La condamnation revêt une importance particulière dans un contexte d’échange de prisonniers entre la Russie et l’Ukraine. La justice ukrainienne a condamné lundi 18 avril à 14 ans de prison deux militaires russes présumés. Les deux hommes, présentés par Kiev comme appartenant au GRU, les services de renseignement de l’armée russe, ont été reconnus coupables d’avoir combattu aux côtés des rebelles prorusses contre l’armée ukrainienne dans l’Est séparatiste du pays.

Le jury, composé de trois juges, a reconnu le capitaine Evgueni Erofeïev et le sergent Alexandre Alexandrov « coupables » notamment d’avoir mené « une guerre d’agression » contre l’Ukraine et d’avoir commis un « attentat terroriste », a annoncé un des magistrats dans la salle d’audience.

Cette condamnation ouvre la voie à un éventuel échange avec la pilote ukrainienne emprisonnée en Russie. Cet échange « sera possible après l’application du verdict » pour les deux hommes, ce qui devrait prendre normalement dix jours ouvrables, a précisé à la presse un avocat russe de la pilote Nadia Savtchenko, après l’énoncé. En cas d’accord politique entre Kiev et Moscou, cette question pourrait même être réglée plus tôt, a affirmé l’avocat Ilia Novikov.

Interrogations sur le statut des soldats

Les deux soldats avaient été capturés, blessés, en mai 2015, près de Chtchastia, ville sous contrôle des forces gouvernementales à environ 15 km du fief séparatiste de Louhansk. Ils avaient été arrêtés lors de combats impliquant les forces ukrainiennes et « environ 14 membres des forces spéciales » russes pour le contrôle d’un « pont stratégique ». Dans une vidéo de l’interrogatoire d’un des captifs, diffusée sur Internet, l’homme alité qui répondait aux questions confirmait appartenir à la « troisième brigade des forces spéciales, basée à Togliatti », à 800 kilomètres au sud-est de Moscou sur les rives de la Volga.

Les Ukrainiens assurent en effet que les prévenus sont des soldats d’active de l’armée russe, preuve, selon Kiev, de la présence de troupes russes dans la zone de conflit dans l’est du pays. Ukrainiens, Européens et Américains ne cessent de dénoncer la présence de forces régulières russes venant en aide à la rébellion séparatiste.

Moscou, qui dément tout déploiement de son armée en Ukraine, assure que les deux soldats ont quitté l’armée russe en décembre 2014, plusieurs mois avant de venir en Ukraine. La Russie a toujours catégoriquement démenti toute implication, ne concédant que celle de « volontaires » partis combattre de leur propre chef.

Les soldats russes échangés contre Nadia Savtchenko ?

Cette condamnation pourrait interférer dans l’hypothèse, évoquée par Kiev, d’un échange entre les deux hommes et la pilote d’hélicoptère ukrainienne Nadia Savtchenko, qui purge sa peine en Russie pour complicité dans le meurtre de deux journalistes russes dans l’Est séparatiste de l’Ukraine. La sœur et la mère de la pilote, devenue héroïne nationale dans son pays et dont l’affaire a été dénoncée comme politique par Kiev et l’Occident, étaient présentes dans la salle d’audience au moment de l’énoncé du jugement.

Mme Savtchenko a été condamnée en Russie en mars à 22 ans de prison. Elle est en grève de la faim et de la soif depuis début avril et, selon ses proches, son état est très grave.

L’hypothèse de son échange contre les deux Russes a été maintes fois évoquée par la presse et par les autorités ukrainiennes. Le président ukrainien, Petro Porochenko, s’était récemment dit prêt à échanger les deux Russes contre Mme Savtchenko. Le président russe, Vladimir Poutine, a pour la première fois admis jeudi dernier que des négociations étaient en cours sur le sort de la pilote sans préciser contre qui elle pouvait être échangée.