Dans l’enfer de la canicule de Ouagadougou, des salves de vent frais émanent de la jeunesse du Balai citoyen. Ma rencontre avec ces jeunes militants m’a redonné espoir face à une certaine torpeur qui a longtemps gagné la société civile africaine. La génération précédente n’a pas pu s’approprier des combats de son époque, préférant se prélasser dans un fatalisme morbide face à des choix politiques désastreux.

Partout sur les murs de la ville, des slogans « Blaise dégage », « A bas le RSP » renseignent sur la virulence du ras-le-bol qui a emporté l’ancien président du Faso et annihilé les velléités putschistes de Gilbert Dienderé.

Mais le Balai citoyen n’a pas seulement été à l’initiative d’un changement de gouvernance pour battre en retraite ensuite. Cette jeunesse surveille ses acquis et s’organise afin de ne plus laisser les méthodes du passé ressurgir. Elle veille au grain et est en train de réussir une repolitisation de l’espace public autour de la souveraineté et du contrôle citoyen de l’action publique.

Tout ou presque est urgent

Roch Marc Christian Kaboré, le président post-transition, a d’énormes défis notamment celui de la construction d’un pays pauvre dans lequel tout ou presque est urgent. Mais sa tâche la plus ardue est de satisfaire une jeunesse sceptique face à son passé d’apparatchik et à la présence dans sa coalition d’anciens barons honnis dans le pays.

Pendant longtemps, en Afrique, nos gouvernants ont refusé d’écouter les complaintes de la jeunesse qui, désespérée, a finalement décidé de clamer fort ses légitimes revendications. Au Burkina, Blaise Compaoré a refusé de céder face aux injonctions de sa jeunesse jusqu’à ce que sa destitution ne vienne le réveiller d’un sommeil de vingt-sept années.

Je viens de passer plusieurs jours avec des membres de la direction du Balai citoyen. Ayant écouté leurs messages, vu leur motivation et mesuré leur détermination, je doute qu’ils puissent faire preuve de grande patience vis-à-vis de Kaboré dont l’action après cent jours ne rassure pas nombre des personnes avec lesquelles je me suis entretenu.

Une avant-garde militante

Il existe dorénavant une avant-garde militante au Burkina Faso qui refusera de se satisfaire de miettes démocratiques. Elle est armée de la pensée de Sankara et se définit comme héritière du défunt capitaine. Mais la séduction qu’inspirent ces jeunes vient de leur conscience politique mature qui a été souvent qualifiée à tort de seulement néo-sankariste.

En effet, si le Balai citoyen idéalise Thomas Sankara, il n’en demeure pas moins qu’en interne, certains de ses membres font preuve d’un salutaire devoir d’inventaire en critiquant les limites tactiques et stratégiques de la révolution de 1983. J’ai perçu chez eux une pensée radicale, mais transmise avec une souplesse et une clairvoyance qui préservent ainsi des excès qui furent reprochés aux comités de défense de la révolution de Sankara.

Un mouvement politique

L’organisation du Balai citoyen est intéressante notamment avec des cellules à la base qui insufflent aux populations le projet politique du mouvement. Les références aux figures du panafricanisme, Kwame Nkrumah, Cheikh Anta Diop… sont fréquentes et portent les germes de cette internationale politico-citoyenne de la jeunesse qui émerge en Afrique, liant le mouvement burkinabé à ses semblables de Y’en a marre, Filimbi, Lucha, etc.

Pour l’instant, même si le Balai citoyen se définit clairement comme un mouvement politique, l’heure n’est pas à la quête du pouvoir. Cette fraîcheur citoyenne gagnerait cependant à mieux se structurer, davantage former ses membres pour pouvoir étendre ses tentacules dans tout le pays . La classe politique traditionnelle serait obligée de céder la place pour jouir enfin d’une salutaire retraite, méritée par elle-même d’abord, et par la jeunesse ensuite.

Hamidou Anne est membre du cercle de réflexion L’Afrique des idées.