La Turquie ne cédera rien sur les contreparties négociées dans le cadre de l’accord controversé sur les migrants conclu avec l’Europe le 18 mars. Son premier ministre, Ahmet Davutoglu, a notamment rappelé, samedi 23 avril, que l’exemption des visas pour ses citoyens est d’une importance « vitale » pour le pays et une « partie inaliénable, fondamentale » de l’accord.

M. Davutoglu s’exprimait à Gaziantep, près de la frontière syrienne, à l’occasion d’une visite commune de la chancelière allemande, Angela Merkel, du président du Conseil européen, Donald Tusk, et du commissaire européen Frans Timmermans venus pour tenter d’apaiser les tensions avec Ankara. Lors d’une conférence de presse conjointe, M. Tusk a loué l’action de la Turquie, « le meilleur exemple, pour le monde, sur la manière dont nous devrions traiter les réfugiés », à rebours des critiques de nombreuses ONG.

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile

Ankara s’est engagé à accepter le retour sur son sol de tous les migrants entrés illégalement en Grèce depuis le 20 mars. Le plan prévoit aussi que pour chaque réfugié syrien renvoyé en Turquie, un autre sera « réinstallé » dans un pays européen, dans la limite de 72 000 places. En contrepartie, les Européens ont accepté de fournir jusqu’à six milliards d’euros, de relancer les discussions sur l’intégration de la Turquie à l’UE et d’accélérer le processus de libéralisation des visas pour les Turcs.

Ankara a fait monter les enchères

Ankara, qui a promis aux 79 millions de Turcs une exemption de visa d’ici fin juin, a fait monter les enchères cette semaine, menaçant de ne plus respecter l’accord si les Européens ne tenaient pas leur engagement. L’exécutif européen a indiqué qu’il présenterait un rapport sur le sujet le 4 mai, mais il est attendu au tournant par ceux qui redoutent que Bruxelles brade ses valeurs pour se concilier la Turquie.

« J’ai l’intention de tenir cet engagement à condition que la Turquie fournisse les résultats » en remplissant les 78 critères exigés par l’UE pour libéraliser le régime des visas, a affirmé Mme Merkel, samedi. Très critiquée dans son pays pour avoir autorisé des poursuites pénales réclamées par la Turquie contre un satiriste ayant dépeint M. Erdogan en zoophile, la chancelière s’est défendue, affirmant avoir « toujours souligné (…) lors de discussions avec le premier ministre [turc] que des valeurs comme la liberté de la presse et la liberté d’expression sont pour nous inaliénables ».

Depuis l’entrée en vigueur de l’accord, 325 migrants arrivés en Grèce ont été renvoyés en Turquie et 103 réfugiés syriens réinstallés dans l’UE, selon la Commission. L’ONG Amnesty International estime que la Turquie n’est pas un « pays sûr » pour les réfugiés et accuse Ankara d’avoir renvoyé des dizaines de personnes en Syrie, ravagée depuis 2011 par une guerre qui a fait plus de 270 000 morts et déplacé au moins la moitié de la population. « Aucun Syrien n’a été renvoyé en Syrie contre son gré depuis la Turquie », a une nouvelle fois démenti M. Davutoglu samedi.