Ozias Sounouvou est un ancien journaliste à l’Office de radiodiffusion et télévision du Bénin (ORTB). En janvier 2015, il profite d’un journal télévisé pour lancer au chef de l’Etat Thomas Boni Yayi, alors à Paris pour participer à la marche républicaine contre le terrorisme, un appel à plus de liberté d’expression au sein du service public qu’il estimait muselé par le pouvoir. L’appel reçoit un écho favorable au sein de l’opinion. Mais, très vite, Ozias Sounouvou est confronté aux critiques de certains de ses confrères et dit recevoir des menaces de mort. Deux mois plus tard, en mars 2015, il s’envole pour les Etats-Unis. Depuis son exil dans l’Iowa, ce journaliste de 48 ans revient sur les circonstances de son départ du Bénin.

Votre sortie de janvier 2015 était-il un coup d’éclat ou la suite d’un combat que vous aviez engagé depuis longtemps ?

Nous avions plusieurs fois signé des pétitions dans les médias et écrit aux différentes autorités pour dénoncer le bâillonnement de la presse. Mais toutes ces démarches étaient restées sans suite. L’occasion d’un reportage sur la marche républicaine après les attentats de Charlie Hebdo, à Paris, a été une opportunité pour alerter l’opinion internationale sur la situation de la liberté d’expression dans les médias publics au Bénin. La Constitution du Bénin prescrit à la chaîne publique de donner un accès équilibré à toutes les expressions démocratiques dans le pays. Or, cela n’a jamais été respecté par l’ancien chef de l’Etat et son régime. L’Office de radiodiffusion et télévision du Bénin (ORTB) était pris en otage par un pouvoir qui ne tolérait pas de voir s’exprimer les opposants.

Dans quelles circonstances avez-vous quitté le Bénin ?

A la faveur d’un programme officiel du gouvernement américain, j’effectuais un séjour d’échanges de deux semaines au même titre que plusieurs autres journalistes africains. Durant ce séjour, j’ai eu des informations selon lesquelles ma vie serait menacée si je retournais au Bénin.

Quelle preuve avez-vous pour chasser les soupçons et ne préférez-vous pas simplement vivre aux Etats-Unis plutôt que de rentrer au Bénin ?

Effectivement, la situation est un peu dégagée au pays. Mais les hommes de Boni Yayi se sont tourné vers le nouvel homme fort du Bénin, Patrice Talon. Moi j’attends qu’ils soient complètement mis à l’écart du système politique de la République, tout au moins des rouages du gouvernement. En plus, je viens d’être radié sans raison de l’ORTB alors que j’ai fait une demande de mise en disponibilité. L’acte a été pris récemment par le directeur de la chaîne publique qui a été longtemps à la botte de l’ancien chef de l’Etat.

L’administration a changé le 6 avril. Est-il vraisemblable que les menaces ayant existé selon vous sous Boni Yayi perdurent aujourd’hui?

Les menaces s’estompent visiblement. Cela ne veut pas dire qu’elles sont dissipées. Les hommes de Boni Yayi se sont infiltrés dans les rangs du nouveau président. Mais les menaces ne sont pas complètement évacuées.

Comment se passe votre exil ?

Ce n’est pas facile. Il y a surtout la séparation avec la famille. Elle est une véritable soupape de sécurité. Je suis actuellement en train de finaliser ma procédure de demande d’asile qui est très longue. Pour le moment, je bénéficie de l’hospitalité d’un parent. Je consacre mes journées à beaucoup de lecture et j’ai repris les études en communication internationale.

Aviez-vous des regrets ?

Non ! Je ne regrette pas d’avoir lancé cet appel au chef de l’Etat béninois. Mais je ne m’attendais pas à vivre une telle solitude. Il y a eu beaucoup de soutiens sur les réseaux sociaux mais quand il vous arrive un drame, vous êtes seul à y faire face. C’est cela qui me fait réfléchir.