Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l éducation nationale, lors des questions aux gouvernement, le 23 mars 2016. | DOMINIQUE FAGET / AFP

« Consternés » par la « reculade » du gouvernement : c’est en ces mots que cinq présidents d’université dénoncent, dans une lettre ouverte à Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, et Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur, les dernières décisions du gouvernement sur la sélection des étudiants en master.

Dans leur courrier, reproduit dans son intégralité à la fin de cet article, ces élus de Toulouse-I et de quatre universités parisiennes dénoncent la demande du ministère, qui leur a été transmise le 31 mars, de ne pas dépasser 30 à 40 % de masters pratiquant la sélection en M2, soit bien moins qu’actuellement. Ils s’insurgent également que les listes de masters sélectifs soumises par les différentes universités aient été dans la foulée « autoritairement amputées », et ce, de façon « parfaitement arbitraire », selon eux. Leur colère, qui n’est pas forcément représentative de la position des plus de 70 universités françaises, est d’autant plus vive qu’eux-mêmes proposent essentiellement des masters sélectifs. Le président de Toulouse-I, Bruno Sire, a même menacé de « devoir fermer des masters », dans un entretien au site EducPros.

Décret attendu

La Conférence des présidents d’université s’était de son côté montrée plus ouverte, demandant « une orientation renforcée » ainsi qu’« une possibilité de sélection » à l’entrée en master plutôt qu’entre le M1 et M2, tout en conservant des exceptions entre les deux années de master, quand il existe des concours (droit, psychologie, fonction publique…).

La sélection des étudiants en master a été longtemps discrètement tolérée. Mais la multiplication de procédures judiciaires d’étudiants qui revendiquaient leur intégration en Master 2 a conduit le Conseil d’Etat à trancher. Dans un avis rendu le 10 février, les magistrats ont rappelé qu’en vertu de l’article L. 612-6 du code de l’éducation, « aucune sélection ne peut être mise en place » en première ou en deuxième année de master si la formation en question ne figure pas sur « une liste limitative établie par décret ».

Une réponse de droit qui a mis le gouvernement dans l’embarras. En effet, elle contraint l’exécutif à trancher entre les partisans d’une forte sélectivité dans les universités pour maintenir l’enseignement supérieur public dans la roue des grandes écoles et ceux qui veulent l’université pour le plus grand nombre.

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65 000 nouveaux étudiants en 2015

La demande du gouvernement n’est pas une surprise. Devant les députés, le 17 février, Mme Vallaud-Belkacem avait qualifié la sélection de « rétrograde » et précisé que la liste des masters sélectifs figurant dans le décret serait « très limitative ».

Le décret qui devra définir la liste des masters sélectifs doit être soumis pour avis consultatif au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche le 18 avril, avant publication.

Le problème de la sélection à l’université est de plus en plus pressant du fait du nombre croissant de bacheliers, et donc d’étudiants. Lors de la rentrée 2015, on comptait 65 000 étudiants supplémentaires. En 2013 et 2014, la hausse était de 30 000 étudiants par an. Au début des années 2010, elle n’était « que » de 10 000.