Manifestant à Brasilia en faveur de la destitution de la présidente Dilma Rousseff, le 15 avril. | ANDRESSA ANHOLETE / AFP

Alors qu’une assemblée plénière de la Chambre des députés doit statuer sur l’avenir de la présidente à la tête du pays, réflexions sur les moyens de réformer une démocratie empêtrée dans les scandales de corruption.

Pour le collectif qui réunit des membres du Mouvement démocratique 18 mars, la ferveur des manifestants, qui ont comme étendard la lutte contre la corruption… ainsi que la destitution de Dilma Rousseff est « loin d’être uniquement la manifestation de la lutte d’un peuple contre ses dirigeants corrompus. Ils sont aussi la réaction d’une certaine classe moyenne et aisée, de membres de l’opposition, pour lesquels les politiques de redistribution mises en place par Lula, et poursuivies par Dilma Rousseff – et qui ont sorti plus de 40 millions de personnes de la misère –, relèvent de l’assistanat et de la dilapidation des ressources publiques ».

« Les alliés de Lula et “Dilma” » défendent surtout la politique d’inclusion sociale menée par Lula. Ils dénoncent également la procédure de destitution, y percevant une forme de coup d’Etat destiné à en finir avec la gauche au pouvoir, à remettre en question les avancées sociales, à privatiser Petrobras et, pour la droite, à échapper aux enquêtes pour corruption en revenant aux affaires.

Pour sa part, le politologue Frédéric Louault constate que « hormis quelques groupes extrémistes nostalgiques du régime militaire, qui en appellent à une intervention des forces armées, chaque camp se pose en défenseur de la démocratie ». Au contraire de Dilma Rousseff qui dénonce une conspiration politique prenant les allures d’un coup d’Etat, il voit dans les événements de mars 2016 plusieurs signes de maturité démocratique. Pour lui, « derrière la fragilité d’une dirigeante empêtrée dans une spirale de mécontentement, la crise actuelle met à jour la sclérose du Parti des travailleurs (PT), au pouvoir depuis quatorze ans ».

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« Les défilés contre Dilma Rousseff sont aussi la réaction d’une classe aisée, opposée à sa politique de redistribution », par le Mouvement démocratique du 18 mars, qui rassemble, entre autres, des Brésiliens vivant en France. Lula et Rousseff ont tous deux veillé à donner à la police et à la justice les moyens d’enquêter sur un phénomène qui touche tous les partis politiques. Ils sont maintenant victimes de la revanche de personnes opposées aux réformes sociales.

« Le calvaire politique de Rousseff s’enracine dans un système politico-administratif courtelinesque et kafkaïen », par Frédéric Louault, professeur de science politique à l’Université libre de Bruxelles et vice-président de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes (OPALC- Sciences Po). La présidente Dilma Rousseff est victime d’institutions politiques dépassées que le Parti des travailleurs, au pouvoir depuis 2003, n’a pas su réformer. La corruption ambiante a finalement raison d’elle, sans qu’il y ait à crier au coup d’Etat.

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