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Si plusieurs indicateurs hexagonaux ont montré que sur le front de la croissance, « ça va mieux » à Paris, l’amélioration, vue de Bruxelles, est un peu moins nette, à en croire les prévisions de printemps rendues publiques mardi 3 mai par la Commission européenne.

L’institution communautaire n’a en effet pas révisé ses prévisions d’hiver parues en février. Elle prévoit toujours pour 2016 un déficit public français à 3,4 % du produit intérieur brut (PIB) et à 3,2 % pour 2017. A ce compte-là, la France raterait à nouveau, mais de peu cette fois, l’objectif du pacte de stabilité et de croissance (un déficit d’au maximum 3 % du PIB), auquel elle avait pourtant promis de se conformer en 2015, quand elle a obtenu de la Commission un délai de grâce de deux ans. Bercy, plus optimiste, table sur un déficit de 3,3 % du PIB en 2016 et estime que le pays pourra remplir son « contrat » avec Bruxelles, en passant à 2,7 % de déficit en 2017.

Une prudence relativisée à Paris

Même divergence de prévisions entre Bruxelles et Paris concernant la croissance : elle sera de 1,3 % en 2016 et de 1,7 % en 2017 selon la Commission, qui avait publié les mêmes chiffres dans ses prévisions d’hiver. C’est bien moins que l’objectif de 1,5 % de croissance pour 2016 prévu par le gouvernement, conforté dans ce scénario optimiste par la publication d’une hausse du PIB au premier trimestre 2016 de 0,5 point. Quant au taux de chômage, il repassera selon Bruxelles à 10,2 % de la population active en 2016 et à 10,1 % en 2017, se rapprochant enfin du taux enregistré au début du quinquennat Hollande (9,8 % en 2012).

A Paris, alors que le gouvernement français est en pleine promotion de son action et voudrait tirer les bénéfices politiques d’une meilleure conjoncture économique, on relativise la prudence bruxelloise. La Commission a travaillé, comme d’habitude, « à politique inchangée ». Elle a arrêté ses compteurs le 22 avril, prenant certes en compte le « programme de stabilité » transmis par Paris et les autres capitales courant avril, mais pas les économies budgétaires qui pourraient être décidées fin 2016 pour 2017.

« Macron a fait du bien à l’image de la France »

« Le déficit budgétaire de la France devrait pouvoir passer en dessous de 3 % en 2017 à condition que le gouvernement français mène une politique budgétaire sérieuse, et qu’il poursuive les réformes. La France a impérativement besoin d’une réforme du marché du travail, indispensable pour faire reculer le chômage à moyen terme », a déclaré le commissaire européen à l’économie, Pierre Moscovici, mardi, jour où le projet de loi El Khomri arrive à l’Assemblée nationale en première lecture.

Même si beaucoup à Bruxelles estiment que la France n’est pas allée assez loin dans les réformes, le pays n’est plus considéré comme le mouton noir de la classe européenne. « A condition qu’à l’automne prochain Paris ne présente pas pour 2017 un budget prévisionnel de campagne présidentielle », précise une source diplomatique. Outre la discipline budgétaire du gouvernement, « il y a aussi eu un petit effet Macron : on l’a vu beaucoup ces derniers mois ici, cela a fait du bien à l’image du pays », glisse une autre source à la Commission.

Les mauvais élèves de la classe, ceux dont la trajectoire budgétaire inquiète le plus, sont désormais d’abord l’Espagne, un peu le Portugal et (toujours) la Grèce, sous assistance financière internationale depuis maintenant six ans. L’Espagne se trouve en pleine impasse politique, alors que les élections législatives de décembre 2015 n’ont pas permis la formation d’un gouvernement. En 2015, son déficit public s’est établi à 5,1 % du PIB, bien plus qu’attendu, et il devrait rester à 3,9 % en 2016, alors que Madrid est censé revenir cette année dans les clous du pacte de stabilité et de croissance.

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« Une sanction pour l’Espagne est très improbable »

La question, à Bruxelles, est désormais de savoir s’il faut sanctionner le pays pour non-respect de ses engagements au titre de 2015 et/ou lui accorder un délai pour se mettre en conformité avec les règles européennes. La question sera tranchée dans le courant du mois de mai. « Une sanction est très improbable, elle n’aurait aucun sens, d’autant que l’Espagne est dirigée par un gouvernement par intérim », souligne au Monde une source européenne haut placée.

Pour l’ensemble de la zone euro, la Commission a légèrement revu à la baisse, mardi, ses prévisions de croissance, passant à un gain de PIB de 1,6 % en 2016 (contre 1,7 % attendu lors des prévisions d’hiver), et de 1,8 % en 2017 (1,9 % précédemment). Bruxelles met en évidence les risques liés à une croissance très dépendante de la faiblesse des prix du pétrole, de celle de l’euro face au dollar, de la politique de taux ultra-accommodante de la Banque centrale européenne. Et un environnement international très incertain, avec des économies en plein ralentissement – la Chine, les pays émergents, et même les Etats-Unis.

« La croissance en Europe se maintient malgré un environnement plus difficile, les politiques publiques relancent progressivement les créations d’emplois et l’investissement. Mais nous devons faire bien davantage pour combattre les inégalités », a par ailleurs souligné M. Moscovici mardi. A Bruxelles, on est d’autant plus prudent qu’un éventuel « Brexit » – une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne – après le référendum britannique du 23 juin n’a pas été pris en compte dans les prévisions. Or, les études économiques sont toutes plus alarmantes les unes que les autres : si le Royaume-Uni devait quitter l’Union, ce serait son économie mais aussi celles du reste du « club » qui en pâtiraient, probablement fortement.