Panama Papers : comprendre le système offshore en 3 minutes
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L’affaire des « Panama papers », sur laquelle Le Monde a travaillé pendant des mois avec de nombreux médias internationaux, est une affaire de paradis fiscaux.

Plus exactement de sociétés offshore créées dans des pays où les impôts sont très faibles, voire inexistants, par un cabinet panaméen, Mossack Fonseca.

En soi, ce n’est pas illégal ; par exemple, la loi française ne l’interdit pas mais c’est très encadré (il faut déclarer le plus souvent et payer des impôts quand même).

D’après les données et les entretiens que nous avons menés, il apparaît clairement que l’intérêt du système de l’offshore réside toutefois dans la discrétion qu’il procure à ses clients.

Front national, Société générale, Balkany

Parmi les noms connus, les « Panama papers » montrent comment Frédéric Chatillon et Nicolas Crochet ont monté un circuit complexe de sociétés offshore pour sortir 316 000 euros d’une société prestataire du Front national, Riwal. D’autre part, le majordome de Jean-Marie Le Pen, Gérald Gérin, a reconnu être le bénéficiaire d’une société offshore aux Iles Vierges britannique, qui a pu servir à dissimuler 2,2 millions d’euros pour le compte de Jean-Marie Le Pen.

Côté banques françaises, les documents ont mis en lumière le rôle trouble de la Société générale : malgré ses engagements à ne plus travailler avec les paradis fiscaux opaques, le groupe français est dans le « top 5 » des banques utilisant les services de la firme panaméenne.

Par ailleurs, les fichiers de Mossack Fonseca livrent de précieux secrets sur l’affaire Cahuzac, permettent de croiser la route du désormais célèbre riad des Balkany à Marrakech et montrent que la tentaculaire affaire Guérini, qui a fait trembler le tout-Marseille ces dernières années, a elle aussi fait étape au Panama.

International : répercussions en Islande, en Argentine, au Royaume-Uni...

Parmi les clients de Mossack Fonseca, le monde de la politique à l’international est bien représenté.

Premier exemple, des membres du gouvernement islandais, dont le premier ministre, qui est propriétaire d’une société offshore non déclarée au fisc, a démissionné mardi.

En Argentine, c’est contre le président lui-même, Mauricio Macri, qu’une enquête a été ouverte après la révélation de ses liens avec deux sociétés offshore.

Au Royaume-Uni, le premier ministre, David Cameron, est affaibli après avoir admis qu’il avait bénéficié du fonds offshore de son père Ian, mort en 2010, qui avait permis à ce dernier de ne pas payer d’impôt.

On apprend aussi que le président ukrainien, Petro Porochenko, a créé une société offshore en pleine guerre du Donbass alors qu’il avait assuré, avant son élection, qu’il ne conserverait que sa chaîne de télévision.

On retrouve aussi les riches amis oligarques de Vladimir Poutine, l’actuel président russe. Au moins 2 milliards de dollars auraient été transférés dans des sociétés écran dans différents paradis fiscaux.

FIFA, UEFA et clubs français

Autres personnages publics à apparaître dans les documents panaméens, des personnalités du monde du foot : Michel Platini (ancien président de l’UEFA), Lionel Messi (Argentin, meilleur joueur du monde)...

Les documents ont mis en lumière des contrats douteux signés par le nouveau président de la Fédération internationale de football (FIFA), Gianni Infantino, quand il dirigeait l’UEFA, avec une société offshore dirigée par deux Argentins mis en cause par la justice américaine. Ces révélations ont provoqué une perquisition au siège de l’UEFA, mercredi à Nyon.

Les documents révèlent aussi les sociétés offshores de plusieurs patrons du football français, de Waldemar Kita et son FC Nantes à Dmitri Rybolovlev et son AS Monaco.

De l’art et de l’offshore

La plongée dans les « Panama papers » permet de constater qu’une partie du monde de l’art (maisons de vente, héritiers, galeristes, etc.) multiplie les sociétés offshore pour dissimuler des œuvres ou des fortunes.

Le Monde a ainsi retrouvé la trace de L’Homme assis, un tableau de Modigliani qui avait disparu pendant la seconde guerre mondiale. Il appartient bien à David Nahmad, un riche marchand d’art, qui la détient au travers d’une société offshore, bien qu’il le nie.

Intégralité de l’enquête : Le Modigliani était bien caché

D’où ces documents viennent-ils ?

Il s’agit d’un lanceur d’alerte, dont l’identité reste protégée, qui a contacté un journal allemand, la Süddeutsche Zeitung. Ce dernier a décidé de partager ses informations avec d’autres médias en raison de l’ampleur de la découverte.

Que sait-on de la source des « Panama papers » ?

Le « leak » qui a mis au jour le scandale des « Panama papers » a permis la fuite de millions de documents et données de la firme panaméenne Mossack Fonseca. Elle provient d’une source qui a remis gracieusement au Süddeutsche Zeitung les fichiers de la firme spécialisée dans le montage de sociétés offshore. Pour le protéger, l’identité du lanceur d’alerte n’a pas été divulguée aux médias partenaires du Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ) qui ont travaillé sur l’enquête.

L’authenticité des fichiers a toutefois pu être vérifiée à deux reprises, par la Süddeutsche Zeitung et par Le Monde. Plusieurs fractions de ce « leak », parcellaires et plus anciennes, avaient été vendues aux autorités fiscales allemandes, américaines et britanniques au cours des dernières années, une procédure qui est devenue relativement habituelle, notamment en Allemagne. La France fait ainsi partie des pays qui se sont vus proposer l’achat d’une partie des « Panama papers ». Outre-Rhin, les investigations sur la base de ces documents ont donné lieu à une série de perquisitions en février 2015 contre des banques allemandes soupçonnées de complicités de blanchiment et de fraude fiscale. La Commerzbank, deuxième établissement bancaire d’Allemagne, a accepté en octobre 2015 de payer 17 millions d’euros d’amende pour avoir aidé certains de ses clients à frauder le fisc avec l’aide de sociétés enregistrées par Mossack Fonseca.

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