Président du département de philosophie de l’université d’Islande, Vilhjalmur Arnason est une figure morale sur l’île. Il a notamment présidé le groupe de travail sur l’éthique et la gouvernance du comité d’investigation lancé après la spectaculaire crise de 2008 pour trouver les responsables de l’effondrement du secteur bancaire local.

Sept ans et demi plus tard, la révélation, dimanche 3 avril, par les journalistes de l’ICIJ que le premier ministre islandais et deux de ses ministres ont eu des liens avec des sociétés offshore sans l’avoir déclaré publiquement, soulèvent à nouveau des questions sur les pratiques des élites politiques islandaises. Pour le philosophe, ce nouveau scandale démontre que toutes les leçons de la crise de 2008 n’ont pas été tirées.

Que pensez-vous des informations sur les sociétés offshore cachées du premier ministre, Sigmundur David Gunnlaugsson, et de deux de ses ministres ?

Vilhjalmur Arnason : Je trouve hautement répréhensible que des responsables politiques soient impliqués dans des pratiques qui sapent la sécurité sociale et entravent la transparence financière. Il est par ailleurs essentiel dans une société démocratique que les citoyens soient informés de tels intérêts. Il y a en plus une grande incohérence politique du gouvernement. Une de ses principales politiques est de défendre la monnaie islandaise et, dans le même temps, ses responsables mettent leur richesse à l’abri dans des compagnies situées dans les paradis fiscaux.

Le gouvernement devrait-il démissionner comme le réclame l’opposition ?

Je pense qu’il y a assez de raisons pour que le premier ministre démissionne. Si le chef de file du second parti de gouvernement n’était pas également impliqué, il serait d’ailleurs probablement soumis à une pression bien plus forte. Mais les ministres islandais démissionnent très rarement, je pense que cela a peu de chances de se produire.

Comment expliquez-vous que de tels comportements sont toujours possibles à ce niveau politique en Islande, malgré le crack de 2008 ?

Alors qu’il y a eu, en général, une évolution dans le bon sens de la société islandaise après la crise financière, la culture politique ne s’est, elle, pas améliorée. Le scandale Icesave a été très néfaste parce qu’il a permis aux responsables politiques et le pays dans son ensemble de blâmer les étrangers pour nos problèmes financiers plutôt que de regarder notre propre responsabilité. La culture politique islandaise est restée immature : elle est marquée par un esprit légaliste et un manque de compréhension éthique de l’intérêt public dans une société démocratique.