Les salariés verront les limites de cette couverture de base en se rendant compte que leur conjoint, leurs enfants ne sont pas souvent protégés. | Olivier Touron/Divergence pour « Le Monde »

Depuis le 1er janvier, toutes les entreprises doivent proposer une mutuelle à leurs salariés. Cette mesure, fruit de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi du 11 janvier 2013, comporte des limites, selon Mathieu Escot, responsable des études à l’UFC-Que choisir.

La généralisation de la mutuelle d’entreprise constitue-t-elle une réelle avancée  ?

Les salariés qui bénéficient d’une couverture d’entreprise depuis le début de l’année commencent à se rendre compte de l’intérêt de la formule. La mutuelle de base proposée par leur société leur coûte forcément moins cher que ce qu’ils payaient avant. Non seulement la mutualisation au sein d’une entreprise ou d’une branche permet de réduire le montant de la cotisation, mais celle-ci est prise en charge à 50 % par l’employeur. Au fil des mois, ces mêmes salariés risquent donc de découvrir les aspects moins reluisants de cette réforme. Lorsqu’ils se feront rembourser, ils verront les limites de cette couverture de base. Ils vont aussi se rendre compte que leur conjoint, leurs enfants ne sont pas souvent protégés. Ils seront donc tentés de se tourner vers des surcomplémentaires.

Ces surcomplémentaires sont-elles intéressantes  ?

Nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour comparer les prix pratiqués au sein des entreprises. La dernière étude de la Direction de la recherche des études, de l’évaluation et des statistiques [Drees] donne toutefois une bonne idée de ce qui pourrait se passer. On y apprend que les mutuelles et les assureurs ne sont pas bénéficiaires sur les contrats collectifs, mais se rattrapent avec des options sur la prévoyance, l’invalidité… et gagnent de l’argent sur les contrats individuels. On peut imaginer le même schéma pour les mutuelles d’entreprise. Pour gagner des parts de marché, les assureurs ont pratiqué des tarifs très agressifs sur les contrats de base, en espérant se rattraper sur les surcomplémentaires. Ils risquent d’avoir la main lourde sur les options.

Le salarié n’est toutefois pas obligé d’y souscrire…

En effet, en théorie, vous pouvez faire jouer la concurrence. En pratique, cela va être compliqué à gérer. La carte Vitale permet de communiquer avec deux interlocuteurs – la Sécurité sociale et votre mutuelle – et non trois. Si votre surcomplémentaire est souscrite chez un autre assureur, il faudra lui envoyer les feuilles de soins pour vous faire rembourser la part non prise en charge par la mutuelle et la Sécu. Cette paperasserie pourrait rebuter des particuliers. Autre écueil, des prestations risquent de faire doublon avec le contrat de base.

Faut-il s’attendre à une hausse de prix  ?

Les compagnies ne pourront pas longtemps vendre leur contrat de base à perte. Surtout si elles n’arrivent pas à équilibrer avec d’autres options. Une hausse sensible des tarifs est donc à craindre dès 2017. Ensuite, tous les exclus de la réforme, les indépendants, autoentrepreneurs, chômeurs, seniors… risquent d’enregistrer une augmentation de leurs cotisations. L’ANI réduit la mutualisation des contrats individuels, tous les salariés ou presque étant désormais couverts par leur entreprise. Or plus la base de personnes couvertes diminue, plus le prix augmente.