Une partie des 10 000 médecins de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) présentent des « situations à risques » de conflits d’intérêts en raison de leurs liens avec l’industrie pharmaceutique. C’est le constat dressé par une enquête interne, commandée par la direction du premier groupe hospitalier de France et envoyée par mail, lundi 28 mars, aux représentants des médecins. « Changer d’époque » est indispensable, estime la direction de l’AP-HP.

  • Pourquoi l’AP-HP s’attaque-t-elle à ce sujet ?

Pour Martin Hirsch, le directeur général de l’AP-HP, « il n’est pas question de couper toute relation avec les industriels, cela nuirait à la recherche et au progrès médical. Mais il faut clarifier certaines situations. Il faut que toute activité rémunérée au profit d’un industriel soit déclarée et bien soumise à autorisation préalable. Et éviter le lien de dépendance direct entre industriel et médecin ».

La réputation de l’AP-HP, dont les 38 établissements concentrent près de la moitié de la recherche clinique en France, a récemment été entachée par l’affaire Michel Aubier. Ce pneumologue de l’hôpital Bichat, intervenu en avril 2015 devant une commission d’enquête du Sénat sur la pollution atmosphérique, avait omis d’avertir qu’il touchait plusieurs dizaines de milliers d’euros par an du pétrolier Total.

  • Quelles sont les pratiques visées ?

« Les rémunérations annexes, parfois opaques et élevées, sont des stimulants suffisamment importants pour que des professionnels se placent, de plein gré ou malgré eux, dans des situations à risques », insiste le groupe de travail, qui a travaillé sur le sujet pendant près de six mois.

A lui seul le financement par les laboratoires des déplacements des médecins de l’AP-HP aux congrès médicaux représente par exemple une somme de près de 40 millions d’euros par an.

La formation continue est l’un des bras armés des laboratoires. Obligatoire, elle est financée en France à hauteur de 98 % par l’industrie pharmaceutique, mais le détail du financement reste opaque. Le groupe de travail de l’AP-HP évalue la « fourchette entre 300 millions et 600 millions d’euros » chaque année en France.

Les essais cliniques sont une source de revenu non négligeable pour les médecins, dont l’expertise est rémunérée par des honoraires échappant à tout contrôle. Ils sont aussi une manne pour les services hospitaliers, qui, pour la plupart, ont créé une « association » pour gérer la cagnotte versée par l’industrie. Plus de 400 ont été dénombrées par l’AP-HP.

Les médecins devenus experts sur le médicament qu’ils ont contribué à développer participent souvent à leur promotion. Certains médecins doublent ainsi leur salaire.

  • Quelles sont les pistes de changement évoquées ?

Une réflexion porte sur la mise en place d’une « structure neutre », qui permettrait de conserver l’aide financière des industriels mais couperait tout lien direct avec les médecins. Sur les essais cliniques, par exemple, une « fondation pour la recherche » devrait à terme centraliser les financements privés et les allouer aux projets sélectionnés par l’hôpital.

Le groupe de travail propose de soumettre à autorisation les activités extérieures des médecins devenus experts sur le médicament qu’ils ont contribué à développer, et de les limiter à « cinq à dix heures » hebdomadaires.

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