A Clichy-sous-Bois (93), dont plusieurs quartiers sont classés "prioritaires". | Valerio Vinzenco/Hans Lucas

La situation de l’emploi se dégrade dans les quartiers classés « prioritaires » par la politique de la ville. Toutes les catégories sont touchées, y compris les jeunes diplômés. Le rapport de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), publié mardi 3 mai, dresse un portrait noir de la crise économique en banlieue.

L’organisme, qui a remplacé l’Observatoire national des zones sensibles (ONZUS), s’est recentré sur les nouveaux territoires prioritaires de la politique de la ville, plus resserrés – 1 296 au lieu des 2 304 avant la loi Lamy de février 2014 – et dessinés à partir du seul critère de la concentration de la pauvreté.

On savait le chômage plus élevé dans les quartiers relégués, la crise ayant plus fortement marqué ces territoires. Pire, depuis deux ans, alors que le reste du pays connaissait une sortie de crise progressive, les banlieues populaires se sont enfoncées dans la récession. L’année 2014, sur laquelle reposent les statistiques exploitées par l’étude, voit ce mouvement se renforcer.

Ainsi le taux de chômage des 15-64 ans atteint 26,7 % dans ces quartiers, contre un taux global de près de 10 % pour les agglomérations dont ils font partie. Toutes les catégories des habitants en âge de travailler sont touchées. Mais la mauvaise surprise vient des catégories jusqu’alors relativement épargnées : les jeunes diplômés et les non-immigrés.

Un taux de chômage presque trois fois supérieur

Les diplômés issus des quartiers prioritaires s’inséraient aussi bien que leurs congénères des grandes villes avoisinantes, une fois toutes les caractéristiques sociales prises en compte. Les bac +2 et plus trouvaient un emploi sur le marché du travail et pâtissaient peu de l’effet négatif lié au territoire, comme l’avait montré une étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) d’avril 2013.

Les chiffres de l’observatoire marquent un tournant : « Même avec un diplôme élevé, quelle que soit l’origine, les habitants des quartiers sont fortement exposés au chômage », souligne l’ONPV.

Le taux de chômage des niveaux bac +2 et plus est presque trois fois supérieur à celui des unités urbaines proches (18,8 % contre 6,5 %). Le décalage est aussi marqué pour les populations les moins diplômées, dépassant 31 % pour les personnes sorties du système scolaire sans BEP ni CAP.

Les femmes fortement exposées

Les habitants non-immigrés, jusqu’alors plutôt moins touchés, sont également concernés par ce basculement. Leur taux de chômage est, en 2014, quasi similaire à celui des populations immigrées (26,2 % contre 27,9 %) alors que la différence entre ces deux catégories reste significative dans le reste des agglomérations (15,5 % pour les immigrés contre 9,2 % pour les non-immigrés).

Les femmes des quartiers sont, elles, toujours plus fortement exposées à l’inactivité : elles sont 48 % en dehors du marché du travail, en particulier chez les moins de 30 ans et les plus de 50 ans. Une tendance qui peut s’expliquer par la forte proportion de familles monoparentales : seules 46,3 % des femmes entre 25 et 64 ans élevant seules leurs enfants ont un emploi, contre 81,1 % pour les femmes dans la même situation habitant les agglomérations voisines.