Le scénariste, producteur et réalisateur américain David Chase (« Les Sopranos ») lors d'une séance de photos lors du festival du cinéma américain à Deauville en septembre 2010. | KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Créateur, en 1999, de la série les « Soprano » pour la chaîne câblée américaine HBO, David Chase est considéré aujourd’hui comme le parrain du genre. Du 15 au 24 avril, il sera le président du jury de la compétition internationale du festival Séries mania qui se tient au Forum des Images à Paris. Avant la cérémonie d’ouverture au Rex avec la projection du premier épisode de la série « Vinyl » produite par Mick Jagger et réalisée par Martin Scorsese, il s’est confié au Monde.

Quel genre de président de jury allez-vous être pour cette nouvelle édition du festival Séries mania ?

Extrêmement autoritaire ! Aucun détail ne devra m’échapper… Non, je plaisante, bien sûr ! J’ai été membre du jury au festival de Venise en 2014 dans la catégorie « Orizzonti » et sa présidente, la réalisatrice hongkongaise Ann Hui, orientait les débats sans trop donner son avis. Je vais suivre son chemin en espérant être à la hauteur.

Quelles sont les séries que vous regardez et quelles sont celles que vous préférez ?

Je ne regarde pas beaucoup de séries, mais j’ai une profonde admiration pour « Mad Men ». Je regarde ce que fait mon ami Terence Winter qui a travaillé avec moi sur « Sopranos ». J’ai, bien sûr, beaucoup aimé son écriture de « Boardwalk Empire ».

Mad Men - Promo Season (saison) 1
Durée : 02:20

Les séries ont-elles libéré les scénaristes et les réalisateurs des contraintes imposées par l’industrie du cinéma ?

Aux Etats-Unis, les secteurs de la télévision et du cinéma sont bien distincts. Les séries ont surtout libéré les scénaristes des contraintes imposées par les grandes chaînes de télévision qui, pendant des années, ne cherchaient que des feuilletons ennuyeux.

Boardwalk Empire: Trailer #1 (HBO)
Durée : 02:12

Comment avez-vous séduit les producteurs pour qu’ils acceptent de financer une série ?

J’étais mon propre producteur, ce qui changeait beaucoup de choses ! Il y a une quinzaine d’années, j’ai décidé d’écrire des séries car j’en avais plus qu’assez des stupidités qui étaient diffusées par les grandes chaînes hertziennes. C’était une époque avec une étroitesse d’esprit impossible. Parallèlement, sur le câble, il y avait HBO qui essayait de faire des choses différentes. On m’a conseillé d’écrire un scénario pour eux. Le hasard faisant bien les choses, HBO changeait, à cette époque-là, radicalement son modèle d’entreprise et cherchait à se relancer avec des séries originales. Il y a simplement eu une bonne convergence entre eux et moi.

The Sopranos Final Season 6 Official Trailer with James Gandolfini
Durée : 01:00

Les séries avec douze épisodes et qui s’étalent sur plusieurs saisons sont-elles un éloge de la lenteur et de la reconquête du temps pour les scénaristes ?

Cela dépend pour qui vous travaillez. Par exemple, « Mad Men » a été tourné en neuf jours et la série est absolument merveilleuse. Le premier épisode des « Sopranos » a pris huit jours alors que le dernier a demandé vingt jours de tournage. C’est vraiment au cas par cas. Mais il est vrai que lorsqu’on écrit douze ou treize épisodes, on peut se concentrer beaucoup plus et faire galoper son imagination. Le producteur de la série « Gunsmoke » (près de six cents épisodes entre 1955 et 1975 sur CBS) expliquait que les épisodes d’une série sont comme les pancakes, à ceci près que, lorsqu’on en brûle un, on peut le manger. Quand on fait douze ou treize épisodes, on n’a pas le droit d’en rater un.

Gunsmoke Trailer
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Etes-vous toujours influencé par la « Nouvelle vague » française des années 1960 ?

Oui, et c’est très intéressant d’en parler. En 2006, lorsque je suis venu en France pour recevoir un prix avec les « Sopranos » aux Rencontres internationales de télévision de Reims, je racontais comment les films de Jean-Luc Godard et de François Truffaut m’avaient influencé. Les gens me regardaient bizarrement et, presque personne ne comprenait ce que je disais. Godard et Truffaut, c’était du passé ! Mais, c’est grâce à leur influence que l’on a dépoussiéré les mentalités. A l’époque, on commençait à s’intéresser aux séries américaines car elles abordaient des sujets encore tabous à la télévision comme le sida, ce qui, paraît-il, était inimaginable à la télévision française dans ces années-là.

La musique a-t-elle une grande importance dans les séries ?

Oui, et j’aime beaucoup le rock’n’roll !

Vous appréciez toujours les Rolling Stones ?

Bien sûr ! Les Stones ont eu une très grande influence dans ma vie. Je devais avoir 18 ans lorsque je les ai entendus pour la première fois. Ils se sont emparés du blues et du rythm’n blues pour en faire quelque chose de radicalement différent et de nouveau. Ce que j’aime particulièrement chez les Stones c’est leur polyvalence. Ce sont des génies capables de vous pondre une chanson comme Lady Jane qui semble se passer au XVIIIe siècle et Anybody seen my baby ?

1966 lady jane-rolling stones.mpg
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Est-ce que la saga des Rolling Stones pourrait faire une série ?

Absolument. J’ai toujours voulu l’écrire. A la place, j’ai réalisé en 2012 No Fade Away avec James Gandolfini, l’acteur vedette des Sopranos malheureusement disparu qui racontait la vie de jeunes garçons américains très influencés par les Stones.

Quels sont vos projets ?

Je travaille sur une mini-série pour HBO qui s’appellera « Ribbon of dreams » (ruban de rêves) comme disait Orson Welles lorsqu’il parlait du cinéma. C’est l’histoire de trois personnages, des débuts d’Hollywood jusqu’à maintenant. Tout mon cinéma est inspiré par Orson Welles ! Il a dit : « Le film est comme un ruban de rêves, la caméra permet de montrer un monde différent et c’est là que la magie démarre. » Les séries sont aussi des rubans de rêves. C’est une réflexion que j’essaie de garder toujours à l’esprit lorsque j’écris.

David Chase rencontrera le public le samedi 16 avril à 18 heures (complet) au cours d’une séance au Forum des images (2, rue du cinéma, 75001 Paris). Entrée gratuite.