Un groupe de migrants pakinstanais fait un sit-in en signe de protestation à l'intérieur du camp, à Lesbos. Leur slogan: "Nous voulons partir, où nous mourrons". | LOULOU D'AKI POUR LE MONDE

En cinq heures moins cinq minutes, le temps qu’il devait passer à Lesbos, samedi 16 avril, le pape François devait une nouvelle fois rappeler l’Europe à ses valeurs face à la crise migratoire et à ses milliers de morts. Le choix de cette île grecque, par où ont transité, en 2015, plus de la moitié des 820 000 migrants passés par la Grèce pour rejoindre l’Union européenne (UE), est tout aussi symbolique que celui de Lampedusa, le 8 juillet 2013, trois mois après son élection. « J’ai senti que je devais venir ici (…) pour réveiller nos consciences », avait-il alors lancé, dénonçant « la mondialisation de l’indifférence » face à ces tragédies. Aujourd’hui, ces consciences pourraient avoir besoin à ses yeux d’un nouveau rappel à l’ordre.

En compagnie du patriarche orthodoxe de Constantinople Bartholomée et de l’archevêque d’Athènes et de toute la Grèce Hieronymos II, François devait rencontrer 250 migrants du camp de Moria. Il déjeunera avec certains d’entre eux dans un conteneur aménagé. Sa présence dans cette ancienne prison reconvertie est en soi un questionnement de l’accord conclu le 18 mars entre l’UE et la Turquie. Depuis son entrée en vigueur, le 20 mars, tous les migrants qui accostent en Grèce peuvent être refoulés en Turquie, dont les côtes ne sont qu’à une dizaine de kilomètres de Lesbos. C’est bien loin, à l’évidence, de l’ouverture envers les migrants prônée par le pontife argentin.

« Rencontrer la mort »

Auparavant simple étape sur la route de l’Europe, Moria s’est désormais transformé de fait en camp de rétention. C’est ce réflexe obsidional de l’Europe que le souverain pontife a critiqué à plusieurs reprises ces derniers mois. « La vague migratoire actuelle semble miner les bases de cet esprit humaniste que l’Europe aime et défend depuis toujours », avait-il ainsi affirmé devant les diplomates en poste au Vatican, le 11 janvier. « Je vous exhorte à travailler pour que l’Europe redécouvre sa bonne âme », avait-il lancé aux députés européens en novembre 2014.

Le pape François ne devrait pas seulement s’adresser aux dirigeants, mais aussi aux citoyens européens. Il devrait leur donner en exemple les « citoyens de Lesbos et tout le peuple grec, si généreux dans l’accueil » des migrants qui traversent leur pays en dépit d’une crise économique sans précédent. En janvier, il avait aussi cité l’exemple de la Turquie et de l’Italie. Régulièrement, il déplore, comme à Pâques, que des migrants « rencontrent trop souvent en chemin la mort ou un refus de ceux qui pourraient leur offrir un accueil et de l’aide ».