Des participants de Nuit debout, à Paris le 8 avril. | PHILIPPE WOJAZER / REUTERS

Le 1er mai, Nuit debout fêtera son premier mois d’existence. Au départ attentistes face à ce mouvement multiforme et sans revendication qui a investi la place de la République à Paris, les partis ont très vite adopté des lignes claires. Si la gauche, dans son ensemble, s’est positionnée sur une forme de soutien non intrusif, la droite s’est employée à dénoncer la mansuétude du gouvernement face à ce qu’elle juge être une « occupation ». Le parti socialiste a toutefois haussé le ton face à la multiplication des débordements et dégradations.

  • Au début du mouvement, curiosité bienveillante à gauche, rappel de l’état d’urgence à droite

Au gouvernement, on appelle à la tolérance. « Il ne faut pas être inquiet », assure alors le porte-parole, Stéphane Le Foll. Ceux qui se réunissent place de la République sont « tout à fait à leur place » lorsqu’ils évoquent des « idéaux » ou des « changements profonds (…) par rapport au capitalisme ».

Côté du parti socialiste, son premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, passe discrètement place de la République où il salue « le printemps de la repolitisation ». Julien Dray, conseiller régional PS d’Ile-de-France et proche de François Hollande, appelle toutefois à ne pas surestimer le mouvement : « Je ne sais pas s’il y aura un mouvement des Indignés (…) Il n’y a pas ceux qui ont le monopole de l’indignation et ceux qui ont le monopole de la résignation. »

Dans le reste de la gauche, les partis expriment leur bienveillance à l’égard du mouvement. Certains passent place de la République, en leur nom propre. Au bout d’une semaine, l’AFP note que le porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste, Olivier Besancenot, et celui d’Europe Ecologie-Les Verts Julien Bayou, y sont presque tous les soirs.

Jean-Luc Mélenchon, co-fondateur du parti de gauche se réjouit du rassemblement : « Je ne veux pas récupérer le mouvement et je serai très fier que le mouvement me récupère », lance-t-il le 3 avril, sur RTL. Le secrétaire national du parti communiste, Pierre Laurent, affirme de son côté son soutien à ce mouvement qui est en train, selon lui, de « changer les pratiques de la politique ». Pour Julien Bayou (EELV), Nuit debout « c’est un exercice de démocratie radicalisée en temps réel ».

Des réactions bien loin de celles du parti Les Républicains. François Fillon se dit « choqué » par l’autorisation du rassemblement. Beaucoup de personnalités du parti s’exprimant sur le sujet fustigent la mansuétude du gouvernement face à cette « occupation », alors que le pays est en état d’urgence. Ainsi Bruno Le Maire :

« Je souhaite qu’il n’y ait pas (…) de dictature de la minorité dans notre pays. Quand on est en état d’urgence, raison de plus pour faire respecter la loi et pour faire respecter les règles. »

Fondateur du parti souverainiste Mouvement républicain et citoyen (MRC), Jean-Pierre Chevènement ironise : « Si on veut faire surgir des idées, ce n’est pas forcément à travers un attroupement place de la République, c’est peut-être qu’il faut aller à la bibliothèque. »

  • Après une dizaine de Nuits debout, le mouvement est « légitime » pour Hollande. FN et LR appellent à l’évacuation

Des participants du mouvement Nuit debout à Besançon regarde François Hollande participant à l'émission "Dialogues citoyens" sur France 2, le 14 avril. | SEBASTIEN BOZON / AFP

Alors que le mouvement se montre endurant, les débordements et interpellations se multiplient.

Les Républicains restent sur leur ligne et demandent au gouvernement, le 18 avril, de mettre fin à « l’occupation » de la place de la République à Paris. La porte-parole du parti, Brigitte Kuster, juge qu’il est « inadmissible qu’on arrive à un tel point d’irresponsabilité au niveau gouvernemental, qu’on laisse perdurer une telle situation ».

Si Bruno Le Maire interpelle sur le risque que la place parisienne devienne « la place de l’anarchie », Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate à la primaire de la droite, affirme, elle, entendre sur la place des slogans « intéressants », comme par exemple : « Nous ne sommes pas seulement des électeurs, nous sommes aussi des citoyens. »

Le Front national appelle également à l’évacuation de la place. Marion Maréchal-Le Pen, interrogée lors de l’émission « Le Grand Jury » de RTL, a fortement critiqué ce mouvement.

« Je vois là une construction médiatique totalement artificielle. On essaie de faire croire à un grand mouvement citoyen inédit. (…) Je vois surtout objectivement une poignée de professionnels de la politique, de militants associatifs (…), de syndicalistes. (..) C’est un mouvement qui ne représente rien et personne. »

Le parti communiste estime de son côté, que la maire de Paris, Anne Hidalgo, devrait « s’enorgueillir que sa population occupe les places et souhaite participer à la délibération collective ».

L’élue socialiste, Anne Hidalgo, si elle a très vite laissé ce mouvement s’installer sans y faire d’opposition, hausse le ton, le 11 avril, dans un communiqué commun avec les maires des 3e, 10e et 11e arrondissements, qui se partagent la place :

« Tous les matins, les services de la propreté de la Ville nettoient un espace qui ne peut être dit public et commun que si tous les Parisiens peuvent en disposer. (…) De la même manière que rien ne s’oppose à ce que des citoyens débattent une partie de la nuit, rien ne doit s’opposer à ce qu’ils libèrent la place une fois qu’ils ont terminé leurs discussions. »

La légitimité du mouvement, c’est ce qu’a souligné le président de la République, François Hollande, lors de sa participation le 14 avril à l’émission « Dialogues citoyens » sur France 2. C’est le premier commentaire du chef de l’Etat sur Nuit debout.

« Je trouve légitime que la jeunesse, aujourd’hui par rapport au monde tel qu’il est, même par rapport à la politique telle qu’elle est, veuille s’exprimer, veuille dire son mot. (…) Cela ne suffit pas de prendre la parole. Il y a d’ailleurs de nombreux débats. Mais moi, je ne vais pas me plaindre qu’une partie de la jeunesse veuille inventer le monde de demain plutôt que de regarder avec nostalgie le monde d’hier. »

La ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, prévient toutefois : « En termes de violences et de débordements, un certain nombre de limites ont été franchies. Le mouvement doit s’interroger sur la suite. »

  • Après un mois de mouvement, focalisation sur les violences

Les Républicains poursuivent leurs sorties contre le mouvement et contre le « laisser-faire » du gouvernement. Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, qualifie le mouvement de « crépusculaire » et « groupusculaire », dont les militants « ne doivent pas travailler beaucoup le jour pour veiller la nuit ».

En visite électorale à Nice le 26 avril, l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, s’en prend également aux participants de Nuit debout :

« Nous ne pouvons pas accepter que des gens qui n’ont rien dans le cerveau viennent sur la place de la République donner des leçons à la démocratie française. »

Il reçoit le soutien des plusieurs hommes politiques LR. Christian Jacob, chef de file des députés Les Républicains, « pense en tout cas qu’ils [les participants de Nuit debout] n’ont rien à faire là. C’est une poignée de casseurs. (…) Ceux qu’on entend témoigner ne manifestent pas un esprit brillantissime. »

Le député Eric Ciotti, présent au côté de Nicolas Sarkozy à Nice, affirme sur Radio Classique que la place de la République est « aux mains d’extrémistes violents, intolérants, qui délirent sur des idées qui relèvent du siècle dernier. Et le gouvernement ne réagit pas, il semble tétanisé par cette utopie ». Il appelle, le 29 avril, à interdire Nuit debout après que des dizaines de personnes ont été interpellées, et un policier grièvement blessé lors de la manifestation contre la loi travail, le 28 avril.

Le parti socialiste condamne vertement les violences en marge du mouvement. Dès le 24 avril, Stéphane Le Foll estime qu’il y aurait des « décisions à prendre », sans se prononcer sur une évacuation de la place de la République :

« Je ne suis pas du tout bienveillant avec les incidents et les violences. Ces violences sont parfaitement inacceptables. (…) Il y a des moments où il faut que les limites soient fixées. »

Vendredi 29 avril, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a toutefois fustigé « l’outrance » de « ceux qui essaient d’instrumentaliser » à leur avantage les violences commises en marge des manifestations contre la loi travail ou de Nuit debout :

« Ceux qui essaient d’instrumentaliser ce contexte à des fins politiques en proposant qu’on interdise tout sont à la fois ignorants du droit et ignorants de ce qu’est l’état d’urgence et ignorants de ce qu’est la République et des principes de liberté qui la guident. »