A la veille des élections européennes de 2014, l’écrivain Alexandre Jardin, dans un entretien avec Jean-Philippe Moinet publié par La Revue Civique n°13, (printemps 2014), constatait que « les partis classiques, même s’ils peuvent encore faire illusion lors des élections locales, n’ont en réalité plus de crédit dans l’opinion populaire ».

Il expliquait que « la solution la plus raisonnable serait de fusionner la société civile autour de ses leaders, dynamiques et entreprenants, dans une sorte de grand « do tank ». Il faut quitter le modèle des « think tanks » pour celui des « do tanks » qui sont sources de légitimité, de crédit, de restauration de l’action publique d’intérêt général ».

« Do tank », qui s’inspire de « think tank » (un laboratoire d’idées, selon la Commission générale de terminologie et de néologie française en 1998, un groupe de réflexion, pour l’Office québécois de la langue française en 2001), est censé mêler travail intellectuel et expérimentations sur le terrain, couleur annoncée par l’association « Renaissance », la « coopérative d’idées et d’actions » créée par Martine Aubry en 2013.

Fin juin 2011 à Dublin, un Sommet contre l’extrémisme violent est organisé par Google Ideas (Google idées) autour de la question : Comment éviter la radicalisation des jeunes ? Et comment « déradicaliser » ceux qui ont déjà basculé dans la violence ? « Google Idées n’est pas un département de recherche, ce n’est pas une fondation, ce n’est pas non plus un think tank, un réservoir à idées. C’est, nous explique Google dans un charmant néologisme, un « think-do tank » : une unité qui veut « marier les idées et l’action » », précise Sylvie Kauffmann dans Le Monde, du 11 juillet 2011. C’est ainsi qu’apparaît, pour la première fois, ce néologisme dans les colonnes du quotidien du soir.

Aurélia End (AFP), évoquant en mai 2015 le troisième mandat d’Angel Gurria à la tête de l’OCDE, explique que « son ambition est d’en faire un « do tank », selon l’une de ces formules en forme de slogan publicitaire dont il raffole, plutôt qu’un « think tank »: en clair, une espèce de super conseiller pour des gouvernements en mal de réformes ».

Do tank et think tank sont souvent associés pour constituer un « think and do tank » : hors l’action, point de salut, ce que n’aurait pas démenti le général de Gaulle, à qui on attribue, sans doute abusivement, la formule en forme de boutade selon laquelle « des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche ».

Cet anglicisme est formé à partir du mot « tank » (réservoir, citerne), emprunté au portugais tanque attesté au XVe siècle, le Trésor de la langue française informatisé retenant le sens, usité à partir des années 1960, de « bassin d’entraînement de rameurs » pour les pratiquants de l’aviron.

Ramer veut dire « se donner de la peine », l’expression « s’y entendre comme à ramer des choux » signifiant « ne rien comprendre à quelque chose »... Ce qui est bien la vocation de ces « tanks » qui réunissent des collectivités à la recherche de la pierre philosophale sociale, économique ou politique, et qui rament pour y parvenir.