Le stade Bauer de l'équipe Red Star, à Saint-Ouen. | CC by 2.0

Par Vikash Dhorasso et Gautier Kertudo, fondateur et avocat de l’association Tatane.

« Ce n’est pas aux partenaires publics de croire au projet professionnel du club, mais plutôt à lui seul. ». La formulation, lapidaire, tenue par le maire de Saint-Ouen, William Delannoy, au sujet de l’abandon du projet de rénovation du stade Bauer, enfonce indéniablement un peu plus le football dans l’ère du « business total ».

Le rejet de ce football moderne par les supporteurs du Red Star a entraîné certains anciens supporteurs du Parc des Princes période pré-qatarie à venir humer la ferveur des matchs de National. Aujourd’hui, la donne a changé, le Red Star développe cette particularité de ne jamais jouer à domicile depuis qu’il a fait du Stade Pierre-Brisson, à Beauvais, sa résidence principale.

Redynamiser la ville et son quartier

Le maire de Saint-Ouen, à travers ses déclarations fracassantes, a décidé de jeter l’éponge. Alors que le collectif Red Star Bauer proposait depuis longtemps des projets alternatifs, construits après avoir consulté des architectes, il a été décidé de refuser toute idée d’une participation publique dans un projet de réhabilitation du stade.

La saison dernière, le président du Red Star, Patrice Haddad, soutenait un projet de stade à construire sur les docks de Saint-Ouen, entièrement financé par des fonds privés pour un montant estimé à 200 millions d’euros. Ce projet était, semble-t-il, soutenu par l’ancienne maire PC-FDG Jacqueline Rouillon, avant que les élections ne renversent la majorité. Depuis, les choses ont changé et la direction du club semble défendre dorénavant le projet de rénovation du stade Bauer. Entre-temps, le nouveau maire UDI, William Delannoy, n’a pas caché son intention de ne pas faire participer la Mairie à la rénovation du stade. Ces récents propos ont confirmé cette position radicale.

Aujourd’hui, telle une franchise américaine, le club du Red Star se retrouve sans racine et sans attache. Alors qu’il côtoie les hautes sphères du professionnalisme, le club n’en fera pas profiter ses fidèles supporteurs et les citoyens de la ville de Saint-Ouen. Le maire n’hésite pas aujourd’hui à inciter un investisseur à se substituer totalement aux collectivités territoriales, sous couvert d’un hypothétique engagement de sa responsabilité pénale, en cas d’accident, mais aussi électorale, la mairie abandonne son terrain, abandonne son quartier et ses riverains.

Et pourtant, le stade Bauer a une histoire. Il fut pendant la seconde guerre mondiale un lieu stratégique de la Résistance, permettant d’y stocker des armes. Aujourd’hui, à l’initiative du collectif Red Star Bauer, un hommage est rendu chaque année à Rino Della Negra, ancien joueur du club audonien et figure de la Résistance. Mais plus encore aujourd’hui, sa localisation dans la ville fait de lui un facteur de lien social. Son réaménagement pourrait redynamiser la ville et son quartier.

La fin d’un football populaire

La Mairie refuse d’accompagner son club, oubliant que les supporteurs, les riverains, les commerçants sont aussi des Audoniens. Pour la première fois, une collectivité territoriale reconnaît sans scrupule que l’argent public n’a pas sa place dans le football professionnel. Comme si le football professionnel ne devait être que l’affaire d’investisseurs privés. Les déclarations du maire de Saint-Ouen laissent penser qu’il n’existerait qu’un modèle possible.

Cette vision synonyme de désengagement total de l’Etat paraît dangereuse. Une collectivité territoriale doit participer à l’aménagement d’un lieu historique, à la réaffectation d’un lieu de vie. Le maire de Saint-Ouen brandit comme exemple le stade de Lyon, affirmant, par erreur, qu’il serait un modèle possible et vertueux. Il occulte d’autres modèles économiques, comme le stade de Nice ou de Bordeaux, dans lesquels les collectivités territoriales se sont engagées et ont participé au financement. Cet imbroglio autour de la rénovation de Bauer rappelle étrangement l’affaire Luzenac. Il faut souhaiter au club du 93 un happy end différent.

Les propos tenus par le maire de Saint-Ouen tentent d’acter la fin du football populaire et son remplacement par un football financé exclusivement par le privé. La position de la Mairie est en opposition totale avec les valeurs du club et des supporteurs. Ces derniers, une nouvelle fois, sont les grands oubliés des discussions. Un peu plus encore, le football s’éloigne de ses valeurs historiques.