M. Hollande s'est dit, mardi 3 mai, soucieux de « tenir bon [car] les réformes combattues deviennent souvent […] celles du pays tout entier quelques années plus tard. » | PHILIPPE WOJAZER / AFP

Invité, mardi 3 mai à Paris, en clôture d’un colloque sur « La gauche et le pouvoir », organisé par trois think tanks proches du Parti socialiste (Fondation Jean-Jaurès, Terra Nova, Fondation européenne d’études progressistes), François Hollande a livré une solide et vibrante plaidoirie d’une heure en faveur de l’exercice du pouvoir par les socialistes, y incluant son propre mandat. « Il n’y a pas de calice, pas de délice. Il y a simplement une exigence qui s’appelle le progrès », a indiqué le président de la République, présentant cette notion de progrès comme le « fil rouge » des politiques publiques conduites par la gauche.

C’est à l’aune de cette histoire de la gauche au pouvoir – du cartel des gauches à Lionel Jospin, du Front populaire à François Mitterrand – que le chef de l’Etat s’est employé à défendre son bilan. En invoquant ces temps troublés qui, presque toujours, président à son
arrivée aux responsabilités : « La gauche n’a jamais accédé au pouvoir par une mer de tranquillité sous un ciel de sérénité. C’est parce que la nation vit des épreuves qu’elle y arrive, et aussi parce que, face aux épreuves, les autres n’y arrivent pas, qu’elle y parvient. »

En s’employant à « rendre justice à une constance réformatrice » et en rappelant toutes ses réalisations depuis un siècle, de la loi de 1905 sur la laïcité à la CSG en passant par le RMI et les congés payés. « Une grande partie de ce qui a été fait dans cette histoire n’a jamais été défait », a rappelé M. Hollande, soucieux de « tenir bon [car] les réformes combattues deviennent souvent […] celles du pays tout entier quelques années plus tard ». Sans doute songeait-il, à cet instant, au mariage pour tous

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Accents de campagne

Car, quatre-vingts ans jour pour jour après le deuxième tour des législatives de 1936, qui vit l’arrivée au pouvoir du Front populaire, c’est aussi et surtout sa propre action que M. Hollande entendait réhabiliter. Point par point. Le redressement budgétaire d’abord : « Nous avons pris la direction d’une France accablée de déficits, qui avait vu sa dette publique progresser de 600 milliards d’euros. » L’actuelle phase de redistribution, dénoncée par la droite comme autant de cadeaux électoraux : « Je ne m’étais pas trompé sur le diagnostic : […] il fallait d’abord redresser pour ensuite redistribuer. Je vois même maintenant certains qui nous reprochent de le faire… »

Tout y passe : le redressement de l’économie, la priorité accordée à l’école, la transition énergétique et la COP21, les « droits nouveaux, pour tous, pour vivre mieux » en matière de mariage pour tous, de santé, d’actions de groupe, la lutte contre la fraude fiscale, maintien de « notre modèle social, qui a été bien plus que préservé et a même été élargi… » Ou encore le projet de loi de réforme du droit du travail, dit El Khomri, présenté comme une « grande avancée de notre modèle social ». Et le président de reprendre des accents de sa campagne de 2012 : « Dans quel pays d’Europe y a-t-il eu autant de progrès depuis quatre ans ? » lance-t-il, longuement applaudi par un auditoire tout acquis à la cause.

Outre plusieurs ministres, quelque 200 députés et sénateurs, ainsi que moult conseillers ministériels et élyséens, Manuel Valls, de retour de son périple en Nouvelle-Calédonie, Australie et Nouvelle-Zélande, avait décidé, in extremis, de s’inviter au discours présidentiel. Emmanuel Macron, lui, n’a pas fait le déplacement. « Parce qu’un mot dans le sujet du jour, la gauche et le pouvoir, ne lui plaît pas », persifle un dirigeant PS…

Plaidoyer pour un bilan

Retour vers 2012 ? M. Hollande défend corps et âme l’application de ses soixante propositions de candidat : « On jugera toujours plus importante celle qui n’a pas été réalisée plutôt que toutes les autres, qui étaient considérées, j’imagine, comme des formalités. » Mais on le sent d’abord et avant tout tourné vers 2017, déterminé à contrer les critiques virulentes de la gauche de la gauche et du PS : « Ne pas fuir devant l’adversité, ne pas craindre le procès, le même, toujours instruit par les mêmes, celui de la compromission d’un système qu’il faudrait toujours dénoncer pour ne pas avoir à le changer. »

Même s’il ne se prive pas, en creux, de fustiger, à droite, « celles et ceux qui veulent tout défaire, dont le seul projet est d’annuler tout ce que nous avons fait. Ça leur prendra du temps. Car nous avons fait beaucoup. »

Ce plaidoyer pour un bilan sonnait comme une préparation de la suite, d’autant qu’il était de plus en plus édicté de cette voix rauque rappelant ses meetings de 2012. Que M. Hollande a annoncé de nouvelles propositions sur l’Europe, qu’il fera au lendemain du référendum britannique sur le Brexit. Et que le propos s’est achevé par une nouvelle anaphore sur le thème du « compromis », sa méthode politique : « Le compromis, ce n’est pas un subtil équilibre, un entre-deux, un médiocre point moyen. C’est tout l’inverse. Une volonté, tenir son axe avec ténacité, suivre son cap avec solidité. » L’opération réhabilitation, à l’évidence, ne fait que commencer.