Nestlé poursuit le toilettage de ses rayonnages. Cette fois, figurent au menu glaces et surgelés. Le leader mondial de l’agroalimentaire a annoncé, mercredi 27 avril, la création d’une coentreprise avec la société spécialisée britannique R&R Ice Cream. Cette coentreprise, baptisée Froneri, aura son siège social en Grande-Bretagne et emploiera près de 15 000 personnes. Elle sera dirigée par l’actuel PDG de R&R, Ibrahim Najari, et présidé par Luis Cantarell, directeur général de Nestlé.

Cette entité, présente dans 20 pays, affichera un chiffre d’affaires de 2,7 milliards de francs suisses (2,45 milliards d’euros). Elle englobera le périmètre actuel de R&R et, côté Nestlé, ses activités glaces en Europe, en Egypte, aux Philippines, au Brésil et en Argentine. Le groupe suisse y glisse également sa filiale de produits surgelés européenne, à l’exception des pizzas et des surgelés italiens. Nestlé et R&R avaient dévoilé le projet de cette alliance en octobre 2015.

Toutefois, le groupe suisse se refuse à dévoiler les détails financiers de l’accord. Il se contente de dire que Nestlé et PAI, le fonds d’investissement propriétaire de R&R, « détiendront une participation égale dans la co-entreprise ».

Cette initiative intervient alors que le groupe Nestlé est engagé depuis deux ans dans une révision drastique de son portefeuille de marques. Confronté à une baisse de régime, le géant tente de retrouver un rythme de croissance de 5 % à 6 %, conforme à ses performances historiques. Ce grand ménage l’a déjà conduit à céder la société de régime Jenny Craig, les marques de nutrition sportive PowerBar et Musaki, les boissons Juicy Juice, mais aussi les 10 % qu’il détenait dans la société suisse Givaudan, ou l’activité de surgelés pour la restauration Davigel. A l’inverse, Nestlé a créé une nouvelle filiale de soins de la peau enrichie par des acquisitions.

Equation délicate dans les surgelés

Il y a un an, le suisse a cédé à R&R son activité de glaces en Afrique du Sud. Une transaction qui prouvait à la fois l’appétit du britannique et les impératifs de réorganisation de Nestlé. Or, sur le marché de la glace, Nestlé a fort à faire avec son grand rival Unilever. Le géant anglo-néerlandais domine ce marché, avec des marques comme Magnum. Selon le cabinet d’études Euromonitor, il voit sa position se renforcer légèrement, avec 21,9 % de parts de marché en 2014, loin devant le numéro deux Nestlé, dont la part s’érode quelque peu à 10,8 %. Unilever, soucieux également de muscler sa croissance et ses profits, vient d’ailleurs de s’offrir la jeune marque de glace turinoise Grom, qui revendique l’usage d’ingrédients naturels pour compléter son offre. Mais c’est surtout sur le marché des plats surgelés que l’équation est délicate pour Nestlé aux Etats-Unis mais aussi en Europe, où le succès des pizzas fait exception.

« Nous nous attendions à une décision stratégique de Nestlé d’abord aux Etats-Unis plutôt qu’en Europe, sur le front des surgelés incluant probablement les glaces. Finalement, cela se passe à l’envers, mais la baisse de la demande dans un environnement très compétitif est un sujet pour les surgelés en Europe comme aux Etats-Unis. Cela rend l’activité moins intéressante à garder. D’un autre côté, la décision de placer les produits surgelés dans une société commune suggère que Nestlé ne souhaite pas perdre le bénéfice d’échelle que lui procure cette activité lors des négociations avec la distribution », analyse Giulio Lombardi, directeur en charge des industries de grande consommation chez FitchRatings.

Rapprochement avec Lactalis

Pour Nestlé, ce modèle de société commune a déjà fait ses preuves. Il s’est ainsi allié à l’américain General Mills pour les céréales de petit-déjeuner. Les deux associés produisent ensemble, depuis vingt-cinq ans, les marques Chocapic, Nesquik ou Crunch. En France, le suisse s’est rapproché de Lactalis pour fabriquer de concert les yaourts Nestlé ou La Laitière. Et s’est allié en Europe avec Coca-Cola pour ses boissons Nestea.

Dans le cas du rapprochement avec R&R, les deux partenaires se connaissent bien. L’entreprise britannique, créée en 1985, s’est développée en fabricant des glaces sous marque distributeur et sous licence et en multipliant les acquisitions. Elle s’est illustrée en France lors du rachat en 2011 de la société Pilpa à Carcassonne. Il s’agissait alors de récupérer les licences que détenait Pilpa, dont Disney, puis de fermer l’usine.

Des salariés de ce site ont décidé depuis de crééer une Scop « La fabrique du Sud » pour élaborer des crèmes glacées. Le fond d’investissements PAI a pris le contrôle de R&R Ice Cream en 2013, avec la sortie du fond américain Oaktree. Le fabricant de glace a alors exprimé sa volonté de sortir des frontières européennes. Elle a pris pied en Australie et donc depuis peu en Afrique du Sud. Elle pesait 700 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014.