"le retour social sur investissement (Social Return on Investment, SROI). Cet indicateur est apparu il y a quelques années aux Etats-Unis, a été formalisé en Grande-Bretagne en 2006 et notamment promu en France par l’Essec". Bercy et la Direction générale de la cohésion sociale pourraient encourager sa diffusion (Photo: Bercy). | BERTRAND GUAY/AFP

Stéphanie Goujon, directrice de l’Agence du don en nature, membre du CESE

Que ce soit mue par les nouvelles réglementations, par une douce pression médiatique ou par la prise de conscience du grand public, la responsabilité sociale, sociétale et environnementale (RSE) est aujourd’hui présente dans tous les esprits. Est-ce une posture, un effet de mode, ou constitue-t-elle une nouvelle opportunité pour les entreprises ? Les repères objectifs et factuels se font rares pour la valider.

En 2015, une étude réalisée par l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE), montre que moins de six professionnels sur dix réalisent un reporting sur leur RSE. Et ils sont seulement moins de la moitié à prioriser l’amélioration de leurs indicateurs et du reporting RSE.

Les entreprises peinent véritablement à calculer le retour sur investissement des actions RSE – le fameux ROI (« return on investment »), Graal de toute entreprise. L’absence de liaison directe entre RSE et ROI de la responsabilité sociale, sociétale et environnementale conduit même certaines entreprises à penser que leur démarche RSE n’a aucun impact sur leurs performances économiques et financières… Pourtant une récente étude de France Stratégie montre qu’il existe un écart de performance économique de 13 % au bénéfice des entreprises ayant adopté une démarche RSE.

Un indicateur pertinent, moderne et juste

Comment faire pour convaincre un plus grand nombre de dirigeants à évaluer l’impact RSE et d’en faire une mesure centrale ? Il est aujourd’hui essentiel que les entreprises puissent se doter d’indicateurs fiables en la matière, mais la matière est différente de celle habituellement traitée pour calculer le ROI. Le ROI n’a au fond plus aucun sens, il n’est plus adapté et ne répond pas aux contours des actions engagées par les entreprises. Il est donc temps d’en changer !

Précisément, il existe un indicateur pertinent, moderne et juste : le retour social sur investissement (Social Return on Investment, SROI). Cet indicateur est apparu il y a quelques années aux Etats-Unis, a été formalisé en Grande-Bretagne en 2006 et notamment promu en France par l’Essec. Il s’agit d’un cadre d’analyse qui permet de comprendre, mesurer puis valoriser l’impact social créé par une organisation pour un montant d’investissement donné. Il inclut les coûts et les bénéfices à la fois sociaux, environnementaux et économiques. Mais il est encore peu connu et trop peu utilisé par les entreprises.

Le SROI se différencie du ROI car il est bien plus qu’un simple chiffre. Il inclut un ensemble d’informations qualitatives, quantitatives et financières. Le SROI donne une vision 3D des choix fait par l’entreprise et en restitue les résultats dans toutes ses dimensions et ses impacts.

Les résultats peuvent aider réellement les entreprises à effectuer des arbitrages, orienter et améliorer leur stratégie, à prendre des décisions d’investissements, à guider et fidéliser les managers, à attirer des financeurs, à communiquer sur l’impact social créé, etc. Avec le SROI, Il s’agit de parler plus de valeur que d’argent, même si la valeur monétaire créée reste l’indicateur final.

Mesurer la création de valeur sociétale

Les associations qui ont une action sociale et solidaire doivent aussi s’emparer de cet outil ! Les entreprises méconnaissent si souvent les impacts des dons qu’elles font aux associations, sur leur propre activité, et encore plus sur l’environnement et sur la société. Pour peu qu’on leur parle de la possibilité de mesurer en détail la création de valeur sociétale, elles se montrent tout de suite enthousiastes.

Nous, associations, avons donc un rôle central à jouer dans cette sensibilisation. Le gouvernement a aussi une opportunité exceptionnelle d’être un vecteur dans cette transformation vers le SROI. Il faudrait par exemple que Bercy et la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) favorisent la pédagogie et la diffusion du SROI auprès des entreprises comme des associations. Nous sommes plus de 124 000 associations à vocation sanitaire et sociale en France. Créons autant d’ambassadeurs du retour social sur investissement.

Il ne s’agit pas d’opposer les indicateurs ROI et SROI, comme il ne s’agit pas d’opposer le monde de l’entreprise et le monde associatif, mais bien de faire converger deux démarches aux intérêts complémentaires, être dans une dynamique gagnant-gagnant qui au final créera de la valeur pour notre bien commun.