Manuel Valls le 4 avril. | LIONEL BONAVENTURE / AFP

Dans un long entretien accordé à Libération, mercredi 13 avril, le premier ministre, Manuel Valls, revient sur plusieurs sujets polémiques de ces derniers jours : place de l’islam dans la société, lancement du mouvement d’Emmanuel Macron, mesures en faveur des jeunes, loi travail…

  • Islam

Alors qu’il a récemment estimé que le salafisme était en train de « gagner la bataille idéologique et culturelle » de l’islam en France, M. Valls estime dans un long passage consacré à la laïcité et à la place de la religion musulmane dans la société française qu’il faut « protéger les [musulmans de France] de l’idéologie salafiste ». Il se dit « convaincu » de la possibilité de démontrer à une majorité de Français qui en doute la compatibilité de l’islam avec la République.

« Aujourd’hui, la laïcité est confrontée à la montée de l’islam radical mais aussi à la place de l’islam dans nos sociétés. J’aimerais que nous soyons capables de faire la démonstration que l’islam, grande religion dans le monde et deuxième religion de France, est fondamentalement compatible avec la République, la démocratie, nos valeurs, l’égalité entre les hommes et les femmes », affirme le premier ministre. « Une majorité de nos concitoyens en doute, mais moi, je suis convaincu que c’est possible ».

Aussi, insiste-t-il, « il faut protéger nos compatriotes de confession ou de culture musulmane de la stigmatisation, des actes antimusulmans ». Alors que ces actes touchent en majorité les femmes voilées, il maintient que le voile est un asservissement « dès lors qu’il est revendiqué politiquement de manière militante ». Il répète sa conviction qu’« il faudrait » interdire le voile à l’université mais reconnaît que cela heurterait les principes constitutionnels.

  • Loi travail

Interrogé sur les aspirations de la jeunesse, qui participe aux manifestations contre la loi El Khomri, il estime qu’elle a « le sentiment légitime que la société ne se préoccupe pas d’elle, (…) donnant le sentiment de se préoccuper davantage des plus âgés ». Mais insiste-t-il, « je ne laisserai jamais dire que nous n’avons rien fait pour la jeunesse depuis 2012. Au contraire. Jamais autant n’a été fait en matière d’éducation, de formation, de logement, d’accès à l’emploi ».

Au lendemain de mesures annoncées pour les lycéens et les étudiants, il se défend d’avoir présenté ce plan « pour éteindre une contestation ». Il reconnaît cependant qu’« il faut aller plus loin et créer du sens pour la jeunesse tout entière. Le mouvement Nuit debout l’exprime à sa manière ». Il admet en outre une erreur sur la communication autour de la loi travail qui n’a pas été présentée « de manière positive ».

  • Macron

Sur un plan politique, alors qu’il avait jugé « absurde » le positionnement « ni droite ni gauche » du mouvement lancé la semaine dernière par son ministre de l’économie, Emmanuel Macron, M. Valls estime dans Libération que droite et gauche peuvent « parfaitement nouer des pactes », « sans nier » leurs différences, et que « sur des grands sujets on peut parfaitement se rassembler ». « Et de ce point de vue là, je suis en phase avec Emmanuel Macron. Je continue à penser que le dépassement des clivages partisans s’impose », insiste Manuel Valls, qui réfute l’idée que le Front national prospère sur la « disparition du clivage gauche-droite ».

Selon le premier ministre « la gauche est forte quand elle s’adresse à tous. C’est pour cela qu’elle doit se transcender. Et c’est ce que nous avons fait, notamment en matière de lutte contre le terrorisme ». Mais M. Valls prend soin de souligner qu’il a « toujours été de gauche. Ce que je veux, c’est une société ouverte où chacun peut faire des choix et pas une société fermée où l’on subit ». Et rappelle son attachement à une « République ferme, ouverte et généreuse ».

  • Présidentielle

Quant à l’attitude de la gauche lors de l’élection présidentielle de 2017, elle devra se rassembler autour de François Hollande, estime M. Valls, sinon « tout le monde sera balayé ». Il juge aussi que cette élection « ne pourra pas être une répétition des précédentes avec l’affrontement classique entre la droite et la gauche. Je ne vois pas non plus les gagnants gouverner seuls, et les perdants reprendre leur cycle de congrès ou d’assises ».

  • Cannabis

Enfin il clôt le débat sur la fin de la prohibition du cannabis, rouvert à gauche par Jean-Marie Le Guen, le secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement, qui s’est prononcé pour « des levées d’interdiction très sélectives ». « Qu’il y ait des débats, c’est normal, indique le premier ministre. Mais j’ai la conviction, comme le président de la République, que toute société doit savoir fixer des interdits. Je crois que la consommation du cannabis, parce qu’elle a un impact sur la santé publique, doit en rester un ».