Le rappeur Kanye West pendant un concert à Erevan, en Arménie, le 12 avril 2016. | KAREN MINASYAN/AFP

Peut-on poursuivre en justice un artiste pour des promesses inconsidérées sur Twitter ? C’est la question à laquelle va devoir répondre le tribunal fédéral du district de San Francisco, saisi le 18 avril d’une plainte en nom collectif par un fan, déçu par le rappeur Kanye West.

L’affaire concerne le dernier album du musicien, « The Life of Pablo », mis en ligne sur la plateforme de streaming Tidal le 14 février. Le lendemain, en annonçant la diffusion du morceau, Kanye West affirme sur son fil twitter que « jamais jamais » son album ne sera disponible sur Apple, ou tout autre plateforme concurrente de streaming (lecture sans téléchargement). « Vous ne pouvez le trouver que sur Tidal », assène-t-il, en encourageant tous ses fans à s’inscrire « immédiatement » sur la plateforme – dont il se trouve être actionnaire.

Six semaines plus tard, les amateurs qui se sont inscrits sur Tidal ont la surprise de constater que TLOP (« The Life of Pablo ») inonde le marché, de Spotify à Apple Music et Google play. Une version remixée, plaide l’artiste. Qui annonce le 31 mars que l’album est désormais également en vente sur son site personnel.

Relancer Tidal

Pour Justin Baker-Rhett, un fan de Kanye West, qui a suivi à la lettre les recommandations de son idole, le rappeur a « frauduleusement incité les consommateurs à s’inscrire sur Tidal » pour relancer la plateforme, à un moment où elle battait de l’aile. Fondée par une société suédoise, Tidal a été rachetée début 2015 par le musicien Jay Z pour 56 millions de dollars.

L’artiste comptait en faire une plateforme de musique à la demande qui permettrait aux artistes d’être mieux rémunérés que sur les concurrentes. Les fondateurs, de Beyoncé à Rihanna, Usher, Nikki Minaj ou Daft Punk, ont essayé de faire décoller la plateforme par des lancements en avant-première, mais sans grand succès.

Des données personnelles monétisées

Selon la plainte en nom collectif, la tactique de Kanye West et de son ami Jay Z a fonctionné : en un mois, les inscriptions sur Tidal ont triplé grâce à TLOP (passant de 1 à 3 millions). Dans les dix premiers jours, l’album a été écouté 250 millions de fois. Les fans n’étaient pas obligés de payer : ils pouvaient profiter de la période d’essai d’un mois offerte par Tidal.

Mais en s’inscrivant, il leur était demandé de fournir leur numéro de carte de crédit ainsi que leur adresse email et leur coordonnées sur Facebook ou Twitter. Toutes informations susceptibles d’être monétisées par Tidal, accuse le plaignant, qui réclame la suppression des données personnelles des clients alléchés par le tweet du rappeur. Selon la plainte, la valorisation de Tidal a augmenté de 60 à 84 millions de dollars grâce à ces données recueillies sur les consommateurs.

Justin Baker-Rhett réclame 5 millions de dollars à l’artiste et à Tidal. « Kanye a le pouvoir de lancer un tweet et d’amener 2 millions de personnes à agir. Ce procès vise à lui demander des comptes quand il abuse de son pouvoir », a expliqué son avocat, Jay Edelson, au magazine Rolling Stone. Le rappeur réfléchira-t-il à deux fois avant de poster des promesses à ses 22,2 millions d’abonnés sur Twitter ? Pour l’instant, il a préféré éviter le sujet..