La croissance en France a atteint 1,1 % en 2015 | JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

L’objectif est atteint. En 2015, le PIB français a progressé de 1,1 %, conformément aux prévisions du gouvernement, a annoncé l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), vendredi 29 janvier.

« 2015 a été l’année de la reprise », s’est félicité le ministre des finances, Michel Sapin, se réjouissant que les Français n’aient « pas baissé les bras » malgré les attentats de janvier et de novembre. « Pour la première fois depuis 2011, nous créons à nouveau de la croissance », s’était réjoui dès la veille le premier ministre, Manuel Valls.

Rebond de la consommation

Pourtant, comme le prévoyait l’Insee, la croissance a ralenti en fin d’année à +0,2 % au quatrième trimestre après +0,3 % au troisième. C’est la consommation, principal carburant du moteur tricolore en 2015, qui a calé. Les dépenses d’énergie ont reculé en raison de températures particulièrement douces en novembre, tandis que les dépenses d’habillement, d’hébergement et de restauration ont payé un lourd tribut aux attentats de novembre 2015 en Ile-de-France. Mais l’Insee se veut rassurant. La consommation des ménages en biens a rebondi dès décembre.

De plus, « notre enquête sur le moral des ménages, publiée mercredi 27 janvier, laisse présager d’une reprise des achats importants de bien manufacturés et d’automobiles aux premier et deuxième trimestres 2016. Quant à l’effet énergie, il n’est que temporaire. Enfin, la hausse du pouvoir d’achat des Français, dopé par une inflation nulle, a affiché en 2015 un plus-haut depuis 2007 » indique Vladimir Passeron, chef du département de la conjoncture à l’Insee.

Accélération de l’investissement

La bonne surprise de la fin d’année provient de l’investissement, second étage de la fusée de la reprise, qui accélère nettement. Du côté des ménages d’abord, où l’investissement en logement (+0,1 %) croît pour la première fois depuis… le deuxième trimestre 2013 ! Mais aussi pour les entreprises, y compris dans la construction et les travaux publics, secteur sinistré pendant la crise. « L’augmentation des marges des entreprises commence à se transformer en investissement et les conditions de financement restent très favorables », se réjouit M. Passeron. « C’est certainement l’effet de la mesure de suramortissement [mesure fiscale destinée à doper l’investissement en machines] annoncée au printemps 2015 », estime Axelle Lacan, économiste à l’institut de conjoncture Coe-Rexecode.

En revanche, les importations augmentent toujours plus vite que les exportations, et les stocks se sont accrus en fin d’année. « Mais il est encore difficile de dire si cela est dû à une demande relativement faible, ou si les entreprises ont davantage produit et importé en prévision d’un rebond de la consommation », explique M. Passeron.

Après une année 2015 poussive, la reprise tant attendue pointerait donc enfin le bout de son nez ? Le gouvernement table pour l’instant sur une hausse du PIB de 1,5 % sur l’ensemble de 2016. « L’économie française aborde 2016 avec des marges d’entreprises nettement redressées et un taux d’épargne élevé, ce qui est bon pour l’investissement et la consommation », énumère Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Les bonnes fées de 2015 – euro faible, taux bas et pétrole bon marché – devraient rester présentes en 2016. Or, les gains dus à la chute du baril ont été affectés en priorité au redressement des marges des entreprises, plutôt qu’à un recul des prix de vente. De quoi doper encore un peu plus l’investissement dans un second temps, estime M. Plane.

Un avis que ne partage pas Mme Lacan. « La mesure de suramortissement doit prendre fin en avril 2016. Si elle n’est pas prolongée, on pourrait voir le comportement des chefs d’entreprise changer. » Surtout, indique-t-elle, « les capacités de production des entreprises sont loin d’être en tension. Le taux d’utilisation reste de 80,7 % contre une moyenne de long terme de 84,5 %. »

Une croissance qui ne réduit pas le chômage

En décembre, l’Insee – qui n’a pas donné de prévisions pour l’ensemble de 2016 – tablait sur des hausses de 0,4 % du PIB aux premier et deuxième trimestre de cette année. Si cette tendance se poursuivait au second semestre, la croissance n’atteindrait que 1,3 % sur l’année, manquant son objectif. Un chiffre qui correspond justement à la prévision du FMI, revue en baisse le 19 janvier…

Surtout, « le taux de chômage reste très élevé, et pèse sur les revenus et l’activité. 2015 a montré que les difficultés françaises ne sont pas conjoncturelles mais bien structurelles », pointe Mme Lacan.

« Il y a beaucoup de signaux positifs. Mais on ne peut véritablement parler de reprise que si la croissance crée suffisamment d’emploi pour faire baisser durablement le chômage. Or d’après nos prévisions, celui-ci ne devrait être fin 2016 que légérement inférieur à son niveau de fin 2015 », calcule M. Plane. D’inversion de la courbe, il n’est toujours pas question.

En 2015, la croissance la plus élevée depuis 2011
Source : Insee

 

Qu'est-ce que le PIB d'un pays ?
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