L'ancienne ministre mexicaine des affaires étrangères, Patricia Espinosa, le 13 juillet 2011 à Mexico. | ALFREDO ESTRELLA / AFP

Le suspense de la succession de Christiana Figueres, dont le mandat à la tête de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC, l’organe international de négociations sur la lutte contre le réchauffement) expire début juillet, est sur le point d’être levé.

Dans un courrier adressé le 29 avril à la ministre de l’environnement Ségolène Royal, qui préside au nom de la France la Conférence sur le climat ou COP21, le secrétaire général des Nations unies annonce qu’il va confier ce poste à la Mexicaine Patricia Espinosa. Cette actuelle ambassadrice du Mexique en Allemagne est surtout connue pour sa présidence réussie de la conférence climat de Cancun en 2010 (la COP16), un an après l’échec de Copenhague.

Une désillusion de plus pour l’ambassadrice et chef négociatrice française Laurence Tubiana, qui était très bien placée pour succéder à la Costaricaine Christiana Figueres, en dépit du ralliement tardif de l’Elysée autour de son nom. Dans un tweet posté mardi 3 mai, Mme Figueres salue la désignation de Patricia Espinosa, qui ne sera définitivement actée qu’après la consultation du bureau de la CCNUCC.

« Je me suis entretenu avec les quatre finalistes et je suis heureux de vous faire part de mon intention de nommer Madame Patricia Espinosa Cantellano du Mexique comme nouvelle secrétaire exécutive de la CCNUCC pour un mandat de trois ans », déclare Ban Ki-moon, sans donner de détails sur les raisons de ce choix ni préciser l’identité des autres finalistes.

Parité

Au siège de l’ONU à New York, on confirme que Laurence Tubiana figurait également dans la « short list », mais on insiste surtout sur le principe qui aurait orienté le choix de Ban Ki-moon. « Le renouvellement à la tête de la CCNUCC était lié à celui à la tête du Programme des Nations unies sur l’environnement [PNUE] et le secrétaire général tenait à respecter la règle de l’équilibre Nord/Sud entre ces deux postes, précise cette source diplomatique. Puisque le choix s’est porté sur le Norvégien Erik Solheim pour diriger le PNUE, il convenait de désigner un représentant du Sud à la tête de la CCNUCC. »

L’argument barrait, de facto, la route à toute candidature d’un pays du Nord, dont celle de Laurence Tubiana ou encore celle du Hongrois Janos Pasztor ou de l’Allemand Jochen Flasbarth, qui ambitionnaient eux aussi d’occuper ce poste. Quelques diplomates se sont manifestés également dans les rangs des pays en développement, notamment le négociateur chinois Su Wei et l’ancien coprésident des débats préparatoires à la COP21, l’Algérien Ahmed Djoghlaf, mais ils se sont heurtés à un autre critère cher, semble-t-il, à Ban Ki-moon, la parité.

En désignant un homme pour succéder à Achim Steiner à la direction du PNUE, les Nations unies ont fait le choix de porter une femme à la tête de la CCNUCC. « Les candidatures féminines seraient particulièrement appréciées », stipulait déjà le profil de poste adressé confidentiellement début 2016 par l’ONU à ses Etats membres, qui exigeait par ailleurs « une connaissance approfondie de la Convention climat, du protocole de Kyoto, de l’accord de Paris [adopté le 12 décembre 2015 à l’issue de la COP21] et de l’ensemble de ses décisions ».

Tribulations de la postulante française

Dans cette course au meilleur curriculum vitae, Laurence Tubiana et Patricia Espinosa, toutes deux auditionnées par un panel d’experts onusiens puis par Ban Ki-moon, tenaient la corde… jusqu’à l’ultime arbitrage du secrétaire général. « Pour obtenir un poste comme celui-ci, il faut faire campagne, et Laurence Tubiana a manqué de temps », confie l’entourage de la négociatrice en référence aux tribulations de la postulante française, lâchée dans un premier temps par François Hollande et Ségolène Royal, puis repêchée in extremis par l’exécutif français à la suite de l’intervention de plusieurs personnalités, dont Nicolas Hulot, jugeant cette candidature légitime.

« Ce contexte ne l’a pas aidée », admet Teresa Ribera, la directrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), qui retient surtout les enseignements géopolitiques de ce double choix au PNUE et à la CCNUCC. « Les Nations unies ont retenu deux pays, la Norvège et le Mexique, engagés dans une transition d’un modèle économique très lié au pétrole vers une économie plus durable et bas carbone. En désignant Patricia Espinosa, l’ONU envoie également un signal à un acteur clé du multilatéralisme, le Mexique, et à un sous-continent, l’Amérique latine, qui, dans les négociations climat, joue un rôle de passerelle entre les pays industrialisés et les pays en développement. »