Rien de tel que le festival d’Hyères pour se faire un nom dans la photographie de mode (et la photographie tout court…). Camille Vivier, ­Olivier Amsellem, SØlve SundsbØ, Charles Fréger, Thomas Mailaender…, tous sont ­passés par là au début de leur carrière.

Jason Larkin, « 30 minutes », « Waiting », 2013. | Jason Larkin

Quid du cru 2016 ? Comme à chaque printemps, le festival, qui se termine le 25 avril, a ­sélectionné une dizaine de jeunes pousses. Français, tchèque ou ukrainien, ces artistes en devenir sont invités à dévoiler leur talent dans les méandres modernistes de la Villa Noailles, au fil d’une exposition collective.

Des parcours variés, un horizon grand ouvert

Pour cette 31e édition, dont M Le magazine du Monde est partenaire, le jury du concours photo, sous la houlette du « dieu » William Klein, est constitué de directeurs artistiques, éditeurs et photogra­phes venus du monde entier, dont Jean-Paul Goude. A charge pour ce collège de retenir deux noms qui, l’an prochain, se verront passer commande pour le festival : l’un pour le Grand Prix, doté pour la première fois de 15 000 euros par Chanel ; l’autre pour le Prix spécial, comme celui décerné l’an passé à Evangelia Kranioti.

En images : les œuvres des finalistes du Prix photo

La plupart des nominés de ce printemps ont 30 ans à peine et sont souvent issus de formations prestigieuses comme les Arts déco à Paris ou la Royal Academy of Arts à Londres. Ils évoluent dans la presse aussi bien que dans l’humanitaire ; leurs parcours, des plus variés, oscil­lent entre les studios de publicité, la photographie documentaire et le monde des galeries.

Jojakim Cortis et Andrian Sonderegger, "Making of "La cour du domaine du Gras" (by Joseph Nicéphore Niépce, 1826), "Ikonen", 2012. | Jojakim Cortis et Adrian Sonderegger

 Bref, la photo de mode est loin, très loin d’être leur unique horizon. C’est toute la qualité d’un tel festival que d’ouvrir grand les yeux. Ici, le premier degré n’a pas bonne presse : pour preuve, la façon qu’ont ces jeunes gens de se jouer avec brio du motif de l’apparence, et de ses pièges. Apparence ­dictatoriale sous l’œil caustique d’Anaïs ­Boileau, qui, à la façon d’un Martin Parr, ­s’arrête sur ces femmes obsédées par leur bronzage ; mais aussi chez Emilie Regnier, qui a rencontré au gré des salons de coiffure africains de plantureuses fausses blondes, déchirées entre leur désir de se métamorphoser en Beyoncé et celui de rivaliser de crinière avec Rihanna. Même trouble de l’identité mis en scène par Ilona Szwarc à travers des séquences de maquillage faisant tomber le masque.

Ilona Szwarc, "Untitled #17", "I am a woman and I cast no shadow", 2015. | Ilona Szwarc


C’est l’illusion, également, que ­travaillent au corps Jojakim Cortis et Adrian Sonderegger : le duo suisse reconstitue en studio quelques événements historiques, de la bombe d’Hiroshima à l’­accident du Concorde, tout en laissant place, dans leurs images, à mille indices qui en dénoncent la falsification.
Quant à Louise Desnos, ses ­précieux clichés noir et blanc évoquent des paysages et des êtres paraissant si lointains qu’ils en semblent étrangers à eux-mêmes. A l’instar de ces silhouettes, surprises par le Britannique Jason Larkin au fil des rues de Johannesburg, qui suggèrent une attente dont on ne connaît pas l’objet. Sans visage, réduits à leur ombre, ces badauds sont à l’image de la société qui les a vus naître : projetés vers un avenir incertain.

Festival international de mode et de photographie, Villa Noailles, montée de Noailles, 83400 Hyères. Jusqu’au 25 avril. www.villanoailles-hyeres.com

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