Un militaire patrouille près du bâtiment de la Commission européenne, le 22 mars 2016 à Bruxelles. | VIRGINIE NGUYEN HOANG/HANS LUCAS POUR "LE MONDE"

Certains auteurs des attentats de Bruxelles ont-ils échappé au radar des policiers alors même qu’ils avaient peut-être été identifiés comme terroristes ? Pourquoi le gouvernement belge a-t-il maintenu au niveau 3, sur une échelle de 4, le niveau d’alerte après l’arrestation mouvementée de Salah Abdeslam, vendredi 18 mars ? Ces deux questions vont alimenter de nombreux débats au lendemain des attaques de l’aéroport de Zaventem et du métro Maelbeek.

« Nous n’avions pas d’informations quant au fait que quelque chose d’une telle ampleur se préparait », a expliqué le ministre de l’intérieur belge, Jan Jambon. Reste que la discussion sur la gestion du risque terroriste est lancée et l’Office central d’analyse de la menace (OCAM) – « un organe indépendant », insiste le gouvernement – est dans la ligne de mire. Il avait conseillé, fin novembre 2015 après les attentats de Paris, un « lock down » entraînant la fermeture des écoles, du métro, des centres commerciaux et des administrations durant quatre jours. Il ne l’a pas fait alors que Salah Abdeslam était arrêté et que, trois jours plus tôt, la police avait découvert des armes lourdes et des détonateurs dans une cache dans la commune bruxelloise de Forest.

« Naïveté »

Autre motif d’étonnement : mardi, à l’issue des deux attentats, le niveau d’alerte est repassé au niveau 4, mais sans « lock down ». Il est vrai que les autorités politiques régionales s’y opposaient, pour ne pas désorganiser totalement la capitale. Pendant ce temps, une polémique opposait le ministre belge des affaires étrangères, Didier Reynders, au ministre français des finances, Michel Sapin, qui avait critiqué la gestion de la menace djihadiste par ses voisins et leur « naïveté » face au risque communautariste.

Hasard du calendrier : les attentats de Bruxelles sont intervenus deux semaines après l’examen à huis clos, les 7 et 8 mars, à la Chambre belge des députés, d’un rapport énumérant les nombreuses « défaillances » dont se seraient rendues coupables les autorités fédérales et locales à propos de Molenbeek, notamment quant au suivi de la radicalisation de Salah Abdeslam, qui devait comparaître pour la première fois devant un tribunal mercredi 23 mars.

Le rapport soulignait aussi la mauvaise coordination des fichiers élaborés par les différents services et leurs nombreuses erreurs. Des faiblesses sont aussi apparues le 15 mars, lors d’une perquisition liée à la traque de Salah Abdeslam. Des policiers belges et français ont été blessés à Forest, alors qu’ils se présentaient peu équipés, dans une planque qu’ils croyaient vide. Des hommes lourdement armés s’y terraient, dont Abdeslam, qui avait réussi à s’échapper.

Après les attentats de Paris, le gouvernement belge s’était offusqué des premières critiques quant à la faiblesse de ses dispositions antiterroristes, même si les responsables gouvernementaux savaient qu’ils étaient forcés de trouver des réponses nouvelles.

Après 2001, les services ont démantelé diverses filières mais les responsables politiques belges – « tous partis confondus », souligne Thomas Renard, chercheur à l’Institut Egmont – ont relâché leur vigilance et réduit leurs moyens. Le gouvernement de Charles Michel a donc réagi, dans l’urgence.

Après le démantèlement d’une cellule à Verviers et les attentats en France en janvier 2015, il a adopté un plan visant à renforcer les services de sécurité, à augmenter les moyens d’investigation de la police, à lutter plus intensivement contre les départs vers la Syrie. Les expulsions de prédicateurs extrémistes ou des interdictions d’entrée sur le territoire étaient également à l’ordre du jour.

En novembre 2015, il décidait d’envoyer des militaires dans les rues et M. Jambon promettait de nettoyer Molenbeek « maison par maison ». Il reste aujourd’hui à concrétiser une partie de ces mesures. Il manque encore de nombreux agents au cadre de la sûreté de l’Etat – le renseignement intérieur. Les magistrats fédéraux et les enquêteurs de l’antiterrorisme croulent sous les dossiers (plus de 300 ouverts en 2015) et la garde à vue pour des auteurs de faits de terrorisme n’a pas encore été étendue à soixante-douze heures – elle reste limitée à vingt-quatre heures –, même si c’est le souhait de la plupart des partis.