« Je suis un Parisien pur jus. Né à Paris, de parents parisiens, j’ai grandi dans le 11e arrondissement, rue Alexandre-Dumas, juste au-dessus du magasin-traiteur de mes parents. A l’époque, c’était un quartier très ouvrier, plein d’ateliers de confection, de menuiseries, de forges. Cosmopolite aussi, peuplé de pieds-noirs, de boat people, dont beaucoup de Vietnamiens.

Le Paris que j’ai connu enfant, c’était celui de Doisneau. Mes parents vendaient des plats qu’ils confectionnaient. Et à la maison, nous mangions toujours bien. Mon père cuisinait du jambon à l’os, du couscous, une excellente choucroute, et, tous les jeudis, du pâté en croûte. Les gens faisaient la queue toute la matinée pour son pâté en croûte… C’est avec ça que j’ai grandi. Même si j’étais toujours impressionné par la technique de la pâte feuilletée, je n’accordais pas beaucoup d’attention à tout cela – c’était mon quotidien. Après avoir terminé mes études à l’Isipca (Institut supérieur international du parfum, de la cosmétique et de l’aromatique alimentaire), j’ai dû faire mon service militaire, encore obligatoire à l’époque.

Olivier Pescheux. | Chiara Santarelli pour M Le magazine du Monde

J’ai eu de la chance : j’ai pu partir comme coopérant pour une petite société grassoise, comme parfumeur. C’est comme ça que je me suis retrouvé en Thaïlande, moi, petit Parisien de souche qui ne connaissait de l’Asie que les 13e et 20e arrondissements. A Bangkok, j’ai découvert la vraie cuisine thaïe, mais aussi indienne, grâce à un excellent restaurant, près de chez moi, où j’allais souvent, Himali Cha Cha.

Cuisine aussi raffinée que populaire

Cette année-là, j’ai mangé dehors midi et soir. Et j’ai découvert une cuisine aussi raffinée que populaire, disponible à tous les coins de rue. Car en Thaïlande, où que l’on aille, on mange bien. Même dans les bouis-bouis et sur les stands les plus modestes, le riz est délicieux, les produits parfaitement préparés. J’ai compris qu’une bonne cuisine peut être très simple, à condition d’avoir les bons ingrédients, les bonnes épices et une bonne sauce.

Chiara Santarelli pour M Le magazine du Monde

Lorsque je suis rentré en France, ces goûts m’ont vite manqué. Sans y penser, j’ai commencé à faire un curry, une recette de mon cru, à mi-chemin entre l’Inde et la Thaïlande. J’habitais Belleville, les ingrédients étaient faciles à acheter. Cela fait maintenant vingt ans que je prépare ce plat régulièrement, notamment lorsque des amis viennent dîner à la maison.

J’y ai mis ce que j’aime, le lait de coco pour son côté gras et doux, la pâte de curry bien relevée, les fruits pour apporter au plat un bouquet sucré-salé, si typiquement asiatique. Je le fais parfois avec du poulet ou des crevettes, mais je l’aime particulièrement avec de l’agneau, dont le goût fort est adouci par la cuisson lente et la sauce. Finalement, j’ai construit cette recette au fil du temps, comme je construis les recettes de mes parfums, avec mon nez, mon palais, mes émotions et mes souvenirs. »

La recette

Ingrédients (pour 6 à 8 personnes) : 1,6 kg d’agneau (épaule ou gigot désossé, coupé en gros morceaux), 2 oignons pelés et émincés, 1 gousse d’ail pelée et écrasée, 1 kg de tomates pelées (en boîte) avec leur jus, 400 ml de lait de coco, pâte de curry « mild », 2 belles pommes golden pelées et coupées en gros morceaux, 2 belles bananes pelées et coupées en gros morceaux, 4 grains de cardamome, 5 branches de coriandre fraîche, huile végétale, sel.

Faire chauffer dans une grande cocotte, 2 c. à s. d’huile et faire bien dorer les oignons. Retirer de la cocotte, réserver, ajouter un filet d’huile et saisir la viande sur feu fort. Lorsqu’elle est bien colorée, baisser à feu doux, remettre les oignons.

Ajouter l’ail écrasé, les tomates et le lait de coco. Bien mélanger, puis incorporer 2 ou 3 c. à c. de pâte de curry (à varier selon l’intensité désirée). Laisser mijoter 20 min, puis ajouter les morceaux de fruits et remuer. Laisser fondre et mijoter à demi-couvert, sur feu doux, pendant une à deux heures.

Ajouter la cardamome (dont on peut ­extirper les petites graines noires) un quart d’heure avant la fin de la cuisson. Ajuster le sel à la fin de la cuisson. Garnir de feuilles de coriandre fraîche, et servir avec du riz thaï ou basmati.

Astuce : le plat est encore meilleur réchauffé le lendemain.