Mark Van Nierop, lors de sa comparution devant le tribunal d'Amsterdam, en 2014. | ALOYS OOSTERWIJK/AFP

Des dents saines arrachées ou dévitalisées, des mâchoires percées et infectées, des implants mal posés, des fragments de racine ou des morceaux d’instrument laissés dans la gencive. Le procès qui s’ouvre, mardi 8 mars, au tribunal correctionnel de Nevers devra déterminer ce qui a poussé l’ancien dentiste néerlandais Jacobus Marinus – dit « Mark » – Van Nierop, aujourd’hui âgé de 51 ans, à commettre de tels dégâts et à causer de telles souffrances chez plus d’une centaine de ses patients, à Château-Chinon (Nièvre), entre fin 2008 et juillet 2012.

Poursuivi pour « escroqueries », « faux et usage de faux » et « violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente », celui qui a été surnommé le « dentiste de l’horreur » ou le « dentiste boucher » encourt dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Arrêté au Canada en 2014 et extradé vers les Pays-Bas, car il s’accusait du meurtre de sa seconde épouse quelques années plus tôt, il n’a été remis à la justice française qu’en janvier 2015.

Recruté par un chasseur de têtes, « Mark » Van Nierop avait été accueilli en 2008 avec soulagement par les habitants de Château-Chinon, un désert médical où le précédent dentiste avait fermé les portes de son cabinet deux ans plus tôt, en 2006. Pour avoir le droit de s’installer et pour bénéficier des aides fiscales, M. Van Nierop avait caché au conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes de la Nièvre les poursuites disciplinaires et les plaintes dont il faisait déjà l’objet aux Pays-Bas.

Afin de faire rentrer rapidement de l’argent et de financer un train de vie en apparence élevé, le dentiste multiplie rapidement les actes, en surfacture certains et en invente d’autres de toutes pièces. Il propose également parfois le paiement en liquide contre une réduction de moitié du montant des soins, qui peut s’élever à plusieurs milliers d’euros. « Petit piqûre, pas faire mal », a-t-il coutume de lancer à ses patients dans un français rudimentaire avant de les anesthésier lourdement pour plusieurs heures, et de partir s’occuper parallèlement d’un autre patient à l’étage du cabinet…

Signaux d’alerte

Ces pratiques sont parfois à l’origine de mutilations irréversibles. Certaines victimes ont perdu jusqu’à seize dents après être passées entre ses mains. « Il m’a fait sept ou huit piqûres, m’a arraché huit dents d’un coup et a posé l’appareil à vif. Je pissais le sang. Pendant trois jours ! », a par exemple témoigné, auprès de l’AFP, une femme de 65 ans opérée en mars 2012 pour la pose d’un appareil dentaire. Une autre a connu un début d’infarctus en raison du produit anesthésiant qui lui avait été administré. L’expertise de l’ordinateur du dentiste montrera qu’il ne procédait pas systématiquement à des clichés radiographiques des dents sur lesquelles il travaillait.

A partir de 2011, les signaux d’alerte passent au rouge les uns après les autres. Prévenu par plusieurs dentistes de la région qui ont récupéré des patients blessés après une intervention de M. Van Nierop, le conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes entame des poursuites disciplinaires. Parallèlement, un collectif de patients victimes alerte les autorités sanitaires et judiciaires. La Caisse primaire d’assurance-maladie de la Nièvre ouvre elle aussi sa propre enquête, soupçonnant des facturations abusives. Le dentiste est finalement mis en examen en mai 2013.

« Mark Van Nierop reconnaît n’avoir pas bien travaillé, [mais] il considère qu’il n’est pas le personnage horrible que certains ont décrit », a fait valoir son avocate, Delphine Morin-Meneghel, dans Le Journal du Centre en janvier. Aux policiers, le dentiste avait expliqué qu’il avait appliqué en France des techniques néerlandaises, jugeant n’avoir pas été informé des pratiques à adopter en France.

Au tribunal de Nevers, les débats porteront sur le profil psychologique et psychiatrique de l’accusé, qui assure souffrir de problèmes de type borderline, avec des phases maniaques et dépressives. Aux juges, il a ainsi expliqué connaître des « problématiques d’identité sexuelle » et des « tendances suicidaires ».

Un expert psychologue a qualifié M. Van Nierop de « personnalité narcissique » avec un « défaut majeur de compassion ». Un autre expert a relevé « l’aspect cruel et pervers » du dentiste qui faisait payer des prothèses à une patiente aux faibles revenus et posait des prothèses immédiatement après, sans attendre la cicatrisation, « sachant pertinemment qu’il allait créer une souffrance qu’il refuserait de soulager ensuite ».