Un outil d'excision. | KAMBOU SIA/AFP

Les femmes et les fillettes excisées du Burkina Faso auront bientôt le réconfort de recevoir l’aide de Denis Mukwege. Ce gynécologue exceptionnel, devenu célèbre pour avoir soigné des milliers de femmes victimes de viols dans l’est de la République démocratique du Congo, a décidé d’y étendre son expérience.

« Au Burkina Faso, la loi interdit ces mutilations, mais cette pratique continue et les filles ne disposent finalement pas de leur corps. Nous sommes en train de collecter des fonds pour construire un “one stop center” au Burkina. Faire quelque chose sur le modèle de Panzi », explique le docteur Mukwege. Panzi est le nom de son hôpital qui, depuis 1999 à Bukavu, capitale de la province congolaise instable du Sud-Kivu, fournit une aide chirurgicale, psychologique et juridique aux femmes violées.

Couteau, ciseaux et rasoir

La construction de la future clinique devrait commencer fin 2016 à Nakamtenga, un village à une trentaine de kilomètres au nord-est de Ouagadougou avec l’aide de Yennenga Progress, un réseau international d’entrepreneurs sociaux basé en Suède. Le personnel soignant donnera des conseils et des soins pour réduire la mortalité maternelle et infantile et traitera les séquelles de l’excision, comme les problèmes urinaires et les rapports sexuels douloureux. Souvent pratiquées avec un couteau, une lame de rasoir ou des ciseaux, les mutilations génitales féminines, destinées notamment à amoindrir le désir sexuel, prennent différentes formes : ablation du clitoris, des lèvres, couture du vagin.

Le gynécologue congolais Denis Mukwege devant son hôpital Panzi à Bukavu, capitale de la province congolaise du Sud-Kivu en mars 2015. | MARC JOURDIER/AFP

« Un volet psychologique aidera les femmes à accepter leur nouveau corps et nous les aiderons à devenir autonomes financièrement, poursuit le docteur. Enfin, sur le plan juridique, nous accompagnerons celles qui le veulent devant la justice pour que le droit soit dit et que réparation soit faite. »

Ces cliniques sont « un refuge pour les femmes comme nous », explique la Sierra-Léonaise Alimatu Dimonekene. Excisée à 16 ans, la jeune femme, qui a été « réparée », est devenue une militante de la lutte contre l’excision au Royaume-Uni avec le ProjectACEi : « C’est un grand défi et il est important d’avoir un médecin qui comprend les femmes et leur corps, mais aussi les besoins complexes et psychologiques des victimes. »

Depuis 1996, l’excision au Burkina Faso est passible de trois ans de prison et de dix ans si la femme est décédée à la suite, par exemple, d’une hémorragie ou d’une infection. La proportion de femmes (prévalence) encore concernées par cette pratique y reste cependant élevée (76 %). Pour contourner l’interdiction, l’acte est pratiqué dans la clandestinité ou dans les pays voisins où l’excision est encore tolérée.

Atteinte à la dignité et « oppression »

Le Conseil national burkinabé de lutte contre la pratique de l’excision (CNLPE), créé en 1990, propose un numéro vert gratuit et mène des actions de sensibilisation. L’excision est une « atteinte à l’intégrité et à la dignité » et une « oppression » de la femme, indique son site Internet. Et de briser les préjugés : elle ne garantit ni la virginité, ni la fidélité, « aucune religion » ne l’encourage, elle « n’augmente pas la fertilité » et peut au contraire « entraîner la stérilité, rendre l’accouchement plus difficile et provoquer la mort du bébé et celle de sa maman ».

Sur le plan médical, le CNLPE juge « non prioritaire » la chirurgie reconstructrice et concentre son action sur la prévention et la prise en charge de la guérison des mutilations génitales féminines.

Des initiatives existent cependant. L’urologue français Pierre Foldès, qui a mis au point une technique réparatrice pour faire « remonter » à la surface l’extrémité de la partie interne du clitoris, a opéré des milliers de patientes en France et au Burkina Faso, où il a formé des médecins. L’intervention pratiquée dans plusieurs établissements, publics ou privés, peut varier de 15 000 francs CFA à 200 000 francs CFA (entre 23 euros et 305 euros), ce qui représente une fortune pour beaucoup de femmes.