Les eurodéputés ont adopté une résolution non contraignante demandant à la Commission de renouveler la commercialisation du glyphosate « pour une période de sept ans ». | CHARLES PLATIAU /REUTERS

Interdiction ? Renouvellement sans restriction ? Le Parlement européen a choisi la voie du compromis. Les eurodéputés ont voté, mercredi 13 avril, en séance plénière, une résolution s’opposant au projet de Bruxelles de renouveler pour quinze ans l’autorisation du glyphosate – le principe actif du célèbre Roundup de Monsanto. Ils se prononcent pour une remise en selle du produit pour sept années seulement et restreinte à ses usages agricoles.

« Nous demandons que les usages de ce produit par les particuliers et les collectivités soient interdits », explique le député européen Robert Rochefort (Alliance des démocrates et libéraux pour l’Europe), membre de la commission parlementaire qui a porté la résolution. A l’origine, celle-ci prévoyait le non-renouvellement de la substance, mais un amendement déposé par la députée Angélique Delahaye (PPE) proposant une réautorisation limitée a été adopté. « Il y a une attente des citoyens mais, à ce jour, il n’y a pas d’alternative économiquement viable et garantissant la santé humaine à proposer aux agriculteurs en termes de désherbage », a justifié Mme Delahaye.

Signe de l’importance prise par le dossier, c’est la première fois que les eurodéputés se saisissent de l’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytosanitaire. Juridiquement non contraignante, leur résolution pèsera néanmoins sur la proposition finale de la Commission qui devra être votée, dans les prochaines semaines, par un comité d’experts représentant les Etats membres. Car le temps presse : c’est à la fin du mois de juin que l’autorisation du glyphosate expire sur le territoire des Vingt-Huit.

Outre les parlementaires, la société civile s’est aussi considérablement mobilisée sur le sujet. Une pétition déposée par Avaaz a ainsi recueilli près d’un million et demi de signatures en faveur de l’interdiction du produit. Un sondage réalisé par YouGov à la demande de l’ONG allemande Campact indique, quant à lui, que les deux tiers des habitants des cinq plus grands pays de l’Union sont opposés au renouvellement de l’autorisation du glyphosate.

Ampleur inattendue

Le dossier a pris une ampleur inattendue en mars 2015, lorsque le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) – l’agence de l’Organisation mondiale de la santé chargée d’inventorier et d’évaluer les agents cancérogènes – a classé le glyphosate « cancérogène probable ». Six mois plus tard, dans le cadre de sa réévaluation au niveau européen, la substance a au contraire été jugée improbablement cancérogène par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Ce désaccord a conduit à une vive et inhabituelle polémique entre le CIRC et l’EFSA.

Dans leur résolution, les députés ajoutent qu’ils souhaitent que la Commission européenne et l’EFSA divulguent « sans délai toutes les données scientifiques [favorables au] renouvellement de son approbation, car cette divulgation répond à un intérêt public supérieur ». Conduites par les entreprises commercialisant des produits à base de glyphosate, les études réglementaires ayant conduit à l’avis favorable rendu par l’EFSA sont en effet confidentielles. Vytenis Andriukaitis, le commissaire européen à la santé, avait devancé la demande des députés. Dans une lettre du 4 avril, il a demandé au Glyphosate Task force (GTF), la plate-forme des 23 industriels commercialisant des pesticides à base de glyphosate, de rendre publiques les études en question. Le GTF a refusé.

Autre motif de mobilisation pointé par la résolution des parlementaires européens : l’utilisation du glyphosate « a augmenté d’une manière spectaculaire, puisqu’elle a été multipliée par un facteur de 260 au cours des quarante dernières années » au niveau mondial. « La résolution prend également acte du fait que la plupart des OGM qui ont été développés l’ont été pour tolérer le glyphosate, ajoute M. Rochefort. Cela signifie que ces OGM n’ont pas été développés pour aider l’agriculture, mais pour augmenter les ventes de glyphosate. C’est une forme de trahison. »