Avec environ 10,9 % des voix en Rhénanie-Palatinat, 15 % dans le Bade-Wurtemberg et surtout 23 % des voix en Saxe-Anhalt, où elle arrive au deuxième rang des élections régionales, la formation d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) a incontestablement réussi son pari. Sa présidente, Frauke Petry, pourra - cette fois sans se forcer - arborer son éternel sourire lorsqu’elle se présentera, lundi 14 mars à 13 heures, devant la presse allemande. Il y a désormais de fortes chances que son parti entre par la grande porte au Bundestag lors des prochaines élections, à l’automne 2017.

Pourtant, lorsqu’en juillet 2015, Frauke Petry a pris les rênes du parti, poussant vers la sortie le fondateur, Bernd Lücke, qui avait le tort, à ses yeux, de n’être qu’eurosceptique et pas assez à droite, bien peu imaginaient que l’AfD survivrait à ce putsch mené par une coalition hétéroclite de retraités, d’entrepreneurs en difficulté et d’anciens militants d’extrême-droite.

Mais, deux mois plus tard, l’arrivée massive de réfugiés a tout changé. Cela a été « un cadeau », reconnaît le vice-président, Alexander Gauland, un ancien juriste et patron de presse de 75 ans, aux allures de gentleman-farmer, considéré comme l’une des têtes pensantes de l’AfD.

Positions divergentes sur les migrants

Paradoxalement, la position de l’AfD sur ce sujet reste floue. Des opinions divergentes ont été exprimées par le parti. Frauke Petry a fait scandale, fin janvier, en jugeant que la police devrait, si nécessaire, « faire d’usage d’armes à feu » contre les réfugiés qui tentent de passer la frontière. « Y compris les femmes et les enfants », avait cru bon de préciser une de ses adjointes, Beatrix von Storch, pour qui « l’anti-islamisme » doit désormais constituer l’épine dorsale du mouvement.

Pourtant, durant la campagne, Jörg Meuthen, tête de liste du parti dans le Bade-Wurtemberg, a tenu des propos beaucoup plus mesurés, affirmant qu’il fallait « adapter et non supprimer le droit d’asile » et prônant « une fermeture momentanée des frontières ». Mais cet universitaire, proche de Bern Lücke, incarne l’aile modérée du mouvement.

Proximité avec les néo-nazis

A l’est, une partie de l’AfD travaille main dans la main avec Pegida, le mouvement des « patriotes contre l’islamisation de l’occident » qui réunit chaque semaine plusieurs milliers de manifestants lors de démonstrations parfois ouvertement racistes à Dresde.

Le patron de l’AfD en Thuringe, Björn Höcke, dont la proximité avec les néonazis est notoire, n’hésite pas par exemple à s’alarmer de « l’excédent de population en Afrique » et à juger que tant que l’Europe est prête à « accueillir cet excédent », « les comportements de reproduction des Africains » ne vont pas changer.

En Saxe-Anhalt, André Poggenburg, héros de la soirée grâce au score historique obtenu par sa liste, tente de jouer les équilibristes, malgré sa proximité avec Björn Höcke. Cet entrepreneur, qui fait l’objet de plusieurs procédures judiciaires pour défaut de paiement, se définit comme un homme de « centre droit ».

Ces derniers jours, il prenait bien soin de ne pas déraper, se contentant de condamner « le cartel des partis » existants, prônant la possibilité de recourir aux référendums « comme en Suisse » et insistant sur le droit pour les Allemands d’« être fiers ».

Programme attendu en avril

L’AfD n’a pas encore de programme officiel. Il ne comblera cette lacune qu’en avril. Alors que Frauke Petry juge que ce parti doit être, un jour prochain, en mesure de gouverner, Alexander Gauland plaide au contraire pour qu’il reste dans l’opposition, tant dans les communes, que dans les Etats-régions et au niveau national.

Outre son opposition aux réfugiés et aux « vieux partis », l’AfD se veut pour une « Europe des nations », et est très opposée au projet d’accord de libre-échange avec les Etats-Unis. D’une façon plus générale, l’AfD a un discours très antiaméricain et très favorable à Vladimir Poutine. Autant de points qui, quoi qu’en dise sa présidente, Frauke Petry, le rapproche du Front national.