Shane Sutton, ici lors des Jeux olympiques de Londres, a été provisoirement mis à pied par la fédération britannique de cyclisme. | CARL DE SOUZA / AFP

A cent jours du coup d’envoi des Jeux olympiques de Rio, le 5 août, le cyclisme britannique traverse une période de fortes turbulences qui a conduit mercredi 27 avril à la mise à pied de son alchimiste, l’Australien Shane Sutton. L’homme qui a conduit Bradley Wiggins et Chris Hoy au firmament de leur discipline, respectivement sur le Tour de France et aux Jeux olympiques.

C’est que des bruits dérangeants s’échappent ces derniers jours du vélodrome de Manchester, véritable fabrique de médailles du sport britannique depuis quatre olympiades. L’affaire Sutton éclate le vendredi 22 avril, lorsque Jessica Varnish, spécialiste de la vitesse individuelle, révèle de quelle manière le directeur technique du cyclisme britannique a justifié son exclusion du programme olympique.

« Ils (Shane Sutton et Iain Dyer, entraîneur principal) m’ont dit que j’étais depuis trop longtemps dans le programme, que j’étais trop vieille, à 25 ans. Shane m’a dit que je devrais changer de vie et faire un enfant. »

« Avec un gros cul comme le (tien)... »

Après les Jeux olympiques de 2012, ajoute Varnish, le même Shane Sutton lui avait dit qu’«  avec un cul comme le [s]ien, [elle] ne pourrai[t] pas changer de position dans la vitesse par équipes ». Traduction : Jessica Varnish avait, selon Sutton, le derrière trop imposant pour être placée en deuxième relayeuse.

« Qu’on ne se méprenne pas, les gars ne sont pas ménagés non plus, mais je ne l’imagine pas leur parler de leur apparence physique ou leur dire de s’en aller et de faire un enfant », ajoutait la sprinteuse.

Trois jours plus tard, la star du cyclisme britannique et ancienne partenaire de Varnish sur la piste, Victoria Pendleton, corrobore les accusations de sexisme : « Je n’ai pas l’impression d’avoir jamais bénéficié du même respect que mes collègues masculins. » La double championne olympique pointe du doigt l’absence de femmes dans l’encadrement et parle d’une atmosphère « de harcèlement » dans le vélodrome.

Dans une longue lettre ouverte, lundi dans le Guardian, l’ancienne numéro un mondiale de cyclisme sur route Nicole Cooke passe la troisième couche en évoquant la préférence donnée aux hommes à tous les étages du cyclisme national — ce qui est loin d’être une spécificité britannique.

Les paralympiques qualifiés de « boiteux »

Shane Sutton, qui dément les propos rapportés par Varnish, est connu pour son franc-parler, ses colères et son exigence de résultats. Modeste spécialiste de la route dans les années 1980, il est devenu un entraîneur à succès, au service de British Cycling depuis 2002 et de l’équipe Sky. Il a été fait officier de l’Empire britannique en 2010. Depuis 2014, il est directeur technique du cyclisme britannique avec la mission d’étendre jusqu’à Rio la suprématie des pistards du royaume. Sa présence a notamment incité Bradley Wiggins à revenir sur la piste.

Les discriminations, écrit la presse anglaise, ne visent pas uniquement les athlètes féminines, mais aussi l’équipe paralympique, dont Shane Sutton n’appréciait pas vraiment la présence au vélodrome.

Darren Kenny, membre éminent de l’équipe britannique de cyclisme handisport, déclare au Daily Mail : « L’attitude envers l’équipe handisport était scandaleuse. Au mieux, il tolérait notre présence. Le mot utilisé pour nous désignait était généralement “les boiteux”, avec un qualificatif devant. » Une autre source affirme que Sutton utilisait le mot « wobblies », que l’on pourrait traduire par « les tremblants ».

Ce nouveau témoignage a fait réagir British Cycling, qui, par un communiqué publié mercredi matin, a annoncé la mise à pied de Sutton et l’ouverture d’une enquête interne en collaboration avec le ministère des sports.

« Nous sommes pleinement favorables aux principes et à la promotion de l’égalité des chances et nous devons prendre au sérieux ces accusations. (...) Nous annonçons également que le directeur technique Shane Sutton a été suspendu dans l’attente de l’enquête interne. »