Aux abords du Stade de France, avant France-Russie, mardi 29 mars. | FRANCK FIFE / AFP

Même le préfet de la Seine-Saint-Denis lève les bras en l’air. Philippe Galli, lui aussi, se plie aux nouvelles mesures de préfiltrage aux abords du Stade de France. Obligation d’ouvrir sacs et manteaux avant, quelques mètres plus loin, une palpation classique devant les guichets. Mardi 29 mars, les footballeurs de l’équipe de France disputaient leur premier match dans l’enceinte dyonisienne depuis les attentats terroristes du 13 novembre qui ont frappé Saint-Denis et Paris.

Le Monde a pu suivre ce match amical contre la Russie du « poste de commandement opérationnel » du stade. Et derrière les vitres de ce PC, jusque-là protégé des journalistes, au cinquième étage, qu’importe la victoire des Bleus (4-2). A deux mois et demi de l’Euro (10 juin-10 juillet), l’heure est plutôt aux fignolages du « dispositif exceptionnel de sécurité qui aura vocation à se poursuivre » dans les dix stades de la compétition, selon les mots du ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve.

Le temps de redescendre en ascenseur, M. Cazeneuve détaille le protocole à l’ensemble des médias. Ont été mobilisés « 575 forces de l’ordre », une équipe du RAID, mais aussi « 1 200 agents » de sécurité travaillant pour des sociétés privées. L’objectif du ministre (« 100 % de précautions ») fait écho à celui déjà affirmé par le président de la République, François Hollande (« sécurité maximale »), plus tôt dans la journée, lors de sa visite à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep).

Trois tireurs d’élite

Juste avant le coup d’envoi, deux étages sous le PC de sécurité, le chef de l’Etat rejoint finalement son ministre et la tribune présidentielle du Stade de France. En préambule, une minute de silence en hommage aux victimes des attentats à Bruxelles survenus le 22 mars. Mais aussi aux 130 morts et aux centaines de blessés quatre mois plus tôt à Paris et à Saint-Denis. Le 13 novembre, trois kamikazes se faisaient exploser aux abords du Stade de France et entraînaient la mort d’un chauffeur, stationné près de l’une des dix-huit portes d’accès. Le bilan a failli être beaucoup plus lourd. Dépourvu de ticket, l’un des kamikazes a été refoulé à l’entrée par un vigile.

Le préfet Galli continue aujourd’hui de travailler avec la préfecture de police et le consortium propriétaire du Stade de France. « Jusque-là, explique le commissaire divisionnaire Laurent Simonin, nos configurations de service étaient tournées vers la lutte contre le hooliganisme. Maintenant, l’essentiel de nos effectifs se destine à la prévention des actes terroristes. » Conséquence, le commissaire Simonin coordonne désormais des effectifs « beaucoup plus disséminés sur l’ensemble du périmètre », dotés d’armes lourdes, et plus nombreux. Un match de cet ordre aurait supposé en temps normal, d’après lui, « seulement » 200 CRS et gendarmes mobiles.

Innovation supplémentaire, trois tireurs d’élite occupent aussi des postes surélevés hors de l’enceinte. De leur centre de contrôle, les hauts fonctionnaires du « PCO » ont les moyens de tout suivre en temps réel. Trois cloisons compartimentent le poste de commandement opérationnel : l’une pour les responsables de la préfecture de police ; l’autre pour le consortium du Stade de France ; une troisième pour les premiers secours. Et partout, des téléphones et écrans de vidéosurveillance pour maintenir le contact avec l’extérieur. Sur le rebord d’une table, les quelques frites peuvent attendre.

« Un véhicule noir avec un drapeau de Daech »

Principale alerte : en tout début de rencontre, un « véhicule noir avec un drapeau de Daech [acronyme arabe de l’Etat islamique] » aurait été aperçu dans le secteur, selon un signalement transmis sur le talkie-walkie de Philippe Galli. Aussitôt, « appel général » aux effectifs présents sur l’A86 pour tenter d’interpeller le conducteur avec « toute la précaution qui s’impose ». Fin de l’alerte. Sans toutefois savoir s’il s’agissait d’une réelle menace ou de mauvais « plaisantins » désireux de lancer de fausses pistes.

Pour renforcer le contrôle, en complément des appareils dans le stade, le préfet espère l’implantation d’« une vingtaine de caméras » alentour : « Nous avons déjà testé des caméras qui nous permettent de détecter la densité de la foule grâce au nombre de pixels à l’écran, et donc de mieux réguler le flux de spectateurs entre le stade et les transports en commun. » Ce système avait été expérimenté une première fois, le 19 mars, pour le match de rugby entre le XV de France et l’Angleterre.

Mardi soir, entre les stands de frites et les vendeurs d’écharpe à la sauvette, quelque 60 000 spectateurs ont déserté les tribunes dès 23 heures passées. Les uns rejoignant les parkings, fouillés au préalable dès le début de l’après-midi ; les autres, s’acheminant vers les stations de RER ou de métro. Trafic fluide, mais méfiance. On attend 20 000 supporteurs de plus pour France-Roumanie, le 10 juin, date de l’inauguration de l’Euro.

Une foule à laquelle s’ajoutera également le public de la future « fan zone » de Saint-Denis, lieu de retransmission officielle qu’il reste à déterminer. Dans les salons du Stade de France, la maire adjointe (PCF) chargée de l’Euro 2016, Fabienne Soulas, reconnaît qu’elle projetait au départ de l’« organiser au centre-ville, devant la mairie et la basilique, mais on n’aurait pas eu assez de place », dispositifs de sécurité obligent.