En marge des rencontres 4M de Paris, grand rendez-vous des médias en ligne et des organisations de la société civile pour la promotion de la démocratie, organisées les 20 et 21 avril par CFI, l’agence française de coopération entre les médias, se réunissaient les « africtivistes ». Ils sont blogueurs, journalistes citoyens, activistes… Certains sont à l’origine des mouvements citoyens Filimbi en RDC, Y’en a marre au Sénégal ou Balai citoyen au Burkina Faso.

Cheikh Fall est l’initiateur de la rencontre des africtivistes. Fondateur de la Ligue panafricaine des webactivistes pour la démocratie, un réseau panafricain lancé en novembre 2015 à Dakar et qui regroupe 150 membres dans 35 pays africains, il milite pour que son mouvement obtienne le statut d’observateur à l’Union africaine (UA), « afin d’y porter la voix des citoyens ».

Idriss Déby au Tchad, Denis Sassou-Nguesso au Congo-Brazzaville, Yoweri Museveni en Ouganda viennent d’être réélus, tous après plus de 25 ans. Est-ce la défaite des mouvements citoyens en Afrique ?

C’est avant tout la défaite de la démocratie dans notre continent, mais aussi celle de l’élite politique africaine. Avant même la présidentielle tchadienne, Idriss Déby a été élu à la tête de l’Union africaine. C’était un soutien net des chefs d’Etat africains à son endroit, alors qu’il a manipulé la Constitution pour se représenter. Ceci étant, il s’agit également de notre échec. Notre stratégie est d’impliquer les populations : le Tchad ne peut être changé que pas les Tchadiens. Mais c’est un processus qui prend du temps.

Dans quels pays, selon vous, le processus démocratique est-il bien engagé ?

Le Sénégal, le Ghana, le Nigeria, le Mali, le Bénin sont des pays pour lesquels nous sommes optimistes. Il y a par contre des pays où la situation est plus complexe : c’est le cas du Cameroun, de la RDC, du Burundi, du Tchad qui nous tient énormément à cœur, et de la Guinée-Equatoriale.

Ces pays ont muselé la presse et les opinions. Les activistes ont peur de s’affirmer, car dans ces pays il est très facile de faire disparaître des gens, sans procès, ou de les intimider en s’attaquant aux familles. Or pour changer les choses, il faut rester en vie !

Que faites-vous pour faire changer les choses ?

Nous organisons l’action #JammehFact [contre le dictateur gambien Yahya Jammeh] sur les réseaux sociaux en soutien au peuple gambien et aux dissidents. Nous voulons faire en sorte que le monde entier soit au courant de ce qui se passe en Gambie. Dans notre démarche, nous utilisons des techniques de cryptographie pour contrer la censure sur Internet et la cybersurveillance.

Cela nous permet aussi d’apporter une assistance technique aux militants, afin de leur permettre de rester en vie, d’être en sécurité et de pouvoir contourner la violation des droits à l’information.

Jusqu’à présent, votre militantisme s’est manifesté à travers des mouvements dans la rue et sur Internet. Quelle est la prochaine étape pour les africtivistes ?

Nos combats devraient être portés par les institutions, l’UA, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cédéao), qui sont censées représenter les citoyens.

Nous souhaitons donc obtenir un statut d’observateur au sein de ces organismes internationaux afin d’y porter la voix des citoyens. Si l’UA cherche à atteindre les mêmes résultats que nous, c’est-à-dire consolider les acquis démocratiques, elle doit nous accepter comme des alliés et des partenaires privilégiés.

Est-ce dans l’intérêt d’Idriss Déby, nouveau président en exercice de l’UA de faire de vous des observateurs au sein de l’institution ?

Ce n’est pas dans son intérêt effectivement, mais même s’il bloque notre mouvement, cela ne nous découragera pas. Idriss Déby n’est pas éternel.