Les « Panama papers » consultés par Le Monde montrent que la firme Mossack Fonseca a servi à plusieurs « fils de » africains pour domicilier des sociétés dans les paradis fiscaux.

Kojo Annan, le fils de l'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. | AFP

Le fils de Kofi Annan et un associé nigérian

Kojo Annan et Laolu Saraki ne sont pas considérés comme des « personnes politiquement exposées » par la firme panaméenne Mossack Fonseca. Et pourtant. Le premier, 43 ans, est le fils unique de l’ancien secrétaire général de l’ONU, le Ghanéen Kofi Annan, et avait été mis en cause dans le cadre du programme de l’ONU « pétrole contre nourriture » en Irak. Avant d’être blanchi en 2005 par le rapport du panel indépendant dirigé par Paul Volcker.

Le second est le fils de l’influent sénateur nigérian Abubakar Olusola Saraki, décédé en 2012. Tous deux apparaissent dans les fichiers consultés par Le Monde comme actionnaires de la société Blue Diamond Holding Management Corp, enregistrée par Mossack Fonseca aux îles Vierges britanniques le 27 août 2002. Selon les statuts de ce véhicule financier au capital de 50 000 dollars, le champ d’action est large : immobilier, négoce « de toute marchandise », investissement…

On les retrouve également comme directeurs de la société Sutton Energy Ltd, enregistrée la même année aux îles Vierges britanniques puis transférée aux îles Samoa. « Ces sociétés opèrent en légalité avec les lois et les régulations de chaque juridiction où elles paient des impôts », explique l’avocat de M. Annan. Plus récemment, en 2015, Kojo Annan a utilisé un autre de ses véhicules financiers, Sapphire Holding Ltd enregistrée aux îles Vierges Britanniques puis transférée aux îles Samoa par Mossack Fonseca. Cette société a fait l’acquisition d’un appartement à Londres dont le prix indiqué est de 500 000 dollars (440 000 euros).

Le fils du Ghanéen John Kufuor

L’un de ses compatriotes, John Addo Kufuor, figure aussi dans les fichiers de la firme panaméenne. Fils aîné de John Agyekum Kufuor, l’ancien président ghanéen (2001-2009), cet homme d’affaires actif dans l’industrie hôtelière est suspecté d’avoir profité de son influence et de celle de son père pour obtenir des contrats avec le gouvernement. Des accusations qu’il a toujours niées et pour lesquelles une commission d’enquête n’a trouvé aucune preuve.

Mais, dès novembre 2010, un employé de Mossack Fonseca alerte, dans un message interne consulté par Le Monde, sur les risques de « continuer à faire du business avec lui » au regard de soupçons de corruption. En vain. Son trust offshore, The Excel 2000 Trust, a été créé par Mossack Fonseca en 2001, année de l’élection de son père. Cette entité est liée à un compte au Panama alors crédité de 75 000 dollars dont est aussi bénéficiaire sa mère, la première dame Theresa Kufuor. Puis, en 2012, il demande la fermeture de ce trust et réapparaît dans les fichiers de Mossack Fonseca avec deux sociétés enregistrées aux îles Vierges britanniques. Contacté à plusieurs reprises, John Addo Kufuor n’a pas souhaité s’exprimer.

L'homme d'affaires, Alaa Moubarak (à droite), fils de l'ancien président égyptien Hosni Moubarak, et son frère, Gamal, en 2006 au Caire. | REUTERS

Le fils de Denis Sassou-Nguesso

A Brazzaville, il est surnommé « Kiki le pétrolier ». Denis Christel Sassou-Nguesso ne se contente pas du statut de « fils de » Denis Sassou-Nguesso, au pouvoir depuis trente-deux ans et réélu le 20 mars à l’issue d’un scrutin contesté. Il est député d’Oyo, le fief familial au nord du pays, membre du bureau politique du Parti congolais du travail (au pouvoir), directeur général adjoint de la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), administrateur général de la raffinerie nationale, Coraf.

Homme politique et homme d’affaires soupçonné de corruption, Denis Christel Sassou-Nguesso apparaît dans les fichiers de Mossack Fonseca dès les années 1990. Selon les documents consultés par Le Monde, il a mandaté la firme panaméenne pour créer une société domiciliée aux îles Vierges britanniques, Phoenix Best Finance Ltd.

Puis, en 2002, son nom réapparaît à côté de celui du négociant de pétrole Jean-Philippe Amvame Ndong, à la tête de l’entreprise genevoise Philia SA, sur un document à en-tête d’une société de conseil suisse, JC Consulting Co Sarl, adressé le 12 décembre 2002 à Mossack Fonseca. Il s’agit alors de nommer Denis Christel Sassou-Nguesso fondé de pouvoir de Phoenix Best Finance Ltd. Contacté à Brazzaville par Le Monde, il nie en bloc : « Je ne connais ni Mossack Fonseca ni Phoenix, ni ces traders [de pétrole congolais] soi-disant proches de moi. »

Les « Panama papers » en trois points

  • Le Monde et 108 autres rédactions dans 76 pays, coordonnées par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ont eu accès à une masse d’informations inédites qui jettent une lumière crue sur le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux.
  • Les 11,5 millions de fichiers proviennent des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore, entre 1977 et 2015. Il s’agit de la plus grosse fuite d’informations jamais exploitée par des médias.
  • Les « Panama papers » révèlent qu’outre des milliers d’anonymes de nombreux chefs d’Etat, des milliardaires, des grands noms du sport, des célébrités ou des personnalités sous le coup de sanctions internationales ont recouru à des montages offshore pour dissimuler leurs actifs.

Plus d’informations ces prochains jours sur Le Monde Afrique sur les pratiques offshore des proches de Denis Sassou-Nguesso et les structures apparemment constituées pour orchestrer le détournement massif des revenus pétroliers du Congo.