Les élus Verts du Parlement européen font parti des rares eurodéputés à s’être opposés au vote de la directive sur le secret des affaires le 14 avril. La raison de leurs réticences ? Ce texte protège bien trop les intérêts des multinationales et laisse les lanceurs d’alerte totalement vulnérables.

C’est pour remédier aux faiblesses de ce texte qu’ils planchent, depuis près de quatre mois, sur un projet de directive spécifique pour les lanceurs d’alerte. Lundi 25 avril, ils se pressaient d’y mettre la dernière main afin qu’il soit prêt pour l’ouverture du procès d’Antoine Deltour, l’ex-employé de la firme d’audit PwC, à l’origine des Luxleaks. Objectif : faire à la directive une publicité maximale.

L’anonymat garanti

Que proposent ces eurodéputés ? Pour protéger au maximum les lanceurs d’alerte, ils s’inspirent de la législation irlandaise, tenue pour être l’une des plus avancées au monde en la matière. Les personnes salariées d’une entreprise, mais aussi les stagiaires ou même les retraités, seraient protégés contre toute poursuite civile ou pénale, contre toute mesure disciplinaire ainsi que contre toute autre forme de représailles. La directive garantit aussi leur anonymat, y compris la protection des proches qui pourraient permettre d’identifier le lanceur d’alerte.

Les élus proposent aussi que les lanceurs d’alerte n’aient pas, s’ils sont poursuivis, à faire la preuve de leur motivation. Selon ce projet de directive, le « lanceur d’alerte », pour être reconnu comme tel, n’a pas à prouver son intention de protéger l’intérêt public. C’est juste la qualité de l’information qui prime. « Ce qui compte au final, c’est que les informations soient rendues publiques, pas quelles étaient les motivations de la personne. Et puis, en droit, il est très difficile d’apporter la preuve de l’intention », explique une source parlementaire chez les Verts.

Améliorer les conditions de travail

Autre disposition du projet de directive : une personne pourra même être protégée si, par exemple, elle a été sanctionnée par son employeur « préventivement », juste parce qu’il la soupçonnait de vouloir divulguer des informations sensibles, qu’elle n’a, au final, pas pu, pas eu le temps, ou pas voulu rendre publiques.

Les Verts espèrent avoir répondu de la manière la plus satisfaisante à la question de la « base légale » : savoir pourquoi l’Europe irait légiférer dans ce domaine plutôt que de laisser les Etats membres se débrouiller seuls. Une question fondamentale pour espérer qu’un texte de loi voie le jour à Bruxelles.

Les élus ont contourné l’obstacle en expliquant vouloir légiférer pour améliorer les conditions de travail en Europe, éviter les disparités entre pays membres, certains disposant de législations déjà très protectrices (l’Irlande), d’autres n’ayant encore rien prévu dans leur droit (Espagne, Grèce, Bulgarie, Finlande, Portugal, Slovaquie).

Aucun chantier formel lancé

Ce choix – améliorer les conditions de travail – a comme avantage de « couvrir » tous les travailleurs, y compris ceux des services publics des Etats membres. Si les Verts avaient choisi comme « base légale » la nécessité d’approfondir le marché intérieur des biens et des services dans l’Union (les élus ont d’abord exploré cette voie), les fonctionnaires n’auraient pas été concernés, explique t-on au Parlement européen.

Ce projet de directive n’a aucune valeur, en ce sens que c’est à la Commission de Bruxelles de mettre un texte sur la table : elle seule peut formellement proposer des lois européennes. Mais le but des Verts est de faire bouger l’institution communautaire en profitant de la « publicité » autour du procès Deltour. La Commission mène des travaux exploratoires, interroge son service juridique, mais n’a encore lancé aucun chantier formel, et ses membres seraient très divisés sur la question.

Les Verts comptent aussi pousser les autres partis politiques de l’hémicycle à prendre position. Les Libéraux et les Sociaux-démocrates ont déjà dit qu’ils étaient en faveur d’une législation européenne. Les conservateurs n’ont pas encore pris position, mais Constance le Grip, l’eurodéputé (Les Républicains), rapporteure de la directive sur le secret des affaires, n’a rien contre. Vu la délicatesse du sujet et l’opposition prévisible des lobbies économiques, les débats promettent d’être animés à Bruxelles.