La plate-forme de Port Fourchon, en Louisiane, en 2010. | SAUL LOEB / AFP

C’était, depuis des semaines, le baromètre de leur mauvaise humeur. Celui qui leur faisait voir les choses en noir. Le prix du baril de pétrole, qui n’en finissait pas de chuter, a rebondi cette semaine, entraînant dans son sillage le moral des investisseurs boursiers.

Mercredi 14 avril, le cours du baril de brent a ainsi frôlé les 45 dollars (40 euros). Un plus haut depuis quatre mois, bien loin des 27 dollars touchés fin janvier. Même s’il refluait de nouveau vendredi, l’or noir a permis aux indices boursiers de repartir de l’avant cette semaine. Entre le lundi 11 et le vendredi 15 avril, le CAC 40 et le Dax allemand ont tout deux bondi de 4,46 %, tandis que le Footsie britannique a progressé de 2,25 %. De l’autre côté de l’Atlantique, le Dow Jones a crû de 1,82 % , terminant jeudi à son plus haut depuis l’été 2015, à 17 926 points. Le Nasdaq, l’indice des valeurs technologiques, s’est apprécié de 1,80 %.

La raison de cet optimisme ? Les spéculations sur la réunion de Doha, cette rencontre entre une quinzaine de pays producteurs, membres ou non de l’OPEP, qui devait se tenir dimanche 17 avril au Qatar. Objectif : tenter de stabiliser une offre pléthorique dans le monde, qui explique pour une large part l’effondrement des cours. Un espoir auquel se raccrochent des investisseurs rivés au cours du baril depuis des semaines : que l’or noir connaisse un accès de faiblesse, et les indices plongent violemment ; qu’il traverse une embellie, et les marchés se sentent soudain pousser des ailes. Ce lien de cause à effet semble pourtant à rebours de celui qui prévalait lors des précédents contre-chocs pétroliers. En théorie, un pétrole moins cher est en effet censé redonner du pouvoir d’achat au consommateur et doper les marges des entreprises, bref soutenir l’économie mondiale. Pourquoi donc plonge-t-il invariablement, ces derniers temps, les marchés dans une profonde déprime ?

Chiffres divergents

« Les pays européens importateurs de pétrole ont été fragilisés par la crise de la zone euro, qui a laminé les comptes des entreprises et fait augmenter l’endettement des ménages. Les effets habituels d’un pétrole bas – investissement et consommation – mettent donc plus de temps à se concrétiser. Quant aux fonds souverains des pays producteurs (Arabie saoudite…), ils ont tendance à vendre une part des actifs accumulés les années précédentes, afin de combler le déficit budgétaire qui résulte d’une chute du prix du baril. Tout cela pèse sur les marchés actions », résume un investisseur parisien.

De quoi expliquer qu’un potentiel gel de la production, synonyme de rebond du baril, mette du baume au cœur des marchés. Attention, préviennent toutefois les analystes d’Aurel BGC : selon son issue, la réunion de Doha, dimanche, pourrait « potentiellement [être] perturbatrice en début de semaine prochaine pour les marchés ».

Elle pourrait aussi compliquer le travail de Mario Draghi, le patron de la Banque centrale européenne (BCE) : si le pétrole venait à remonter trop brusquement, l’inflation suivrait, plaçant le Florentin dans une situation inextricable. Dans le but affiché de relancer la hausse des prix, M. Draghi promeut en effet une politique monétaire particulièrement accommodante (80 milliards d’euros de rachats d’actifs chaque mois).

Dans ce contexte, la volatilité, ces brusques à-coups à la hausse ou à la baisse des indices, va sans nul doute rester de mise. Elle est aussi entretenue par des chiffres macroéconomiques divergents. Côté pile, la Chine a ainsi vu sa croissance ralentir de nouveau au premier trimestre, mais la deuxième économie mondiale a repris des couleurs en mars, avec notamment une vigoureuse accélération de la ­production industrielle, a-t-on ainsi appris vendredi. Le premier consommateur mondial de métaux industriels a également vu ses exportations rebondir fortement le mois dernier, après huit mois de plongeons consécutifs, tandis que ses importations modéraient leur recul.

Côté face, les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), sorties mardi, qui faisaient état d’un abaissement de la croissance mondiale face à l’« escalade des menaces » économiques et aux risques accrus d’une « longue ­stagnation » de l’activité. Le ­produit intérieur brut (PIB) mondial devrait progresser de 3,2 % en 2016 et 3,5 % en 2017, marquant un recul respectif de 0,2 et 0,1 point par rapport aux précédentes prévisions de janvier, selon les nouvelles projections économiques de l’institution.

Vendredi, c’est la production industrielle américaine du mois de mars qui a reculé, pour le deuxième mois consécutif, à la surprise des analystes, selon les données publiées vendredi par la Réserve fédérale. En données corrigées des variations saisonnières, elle a reculé de 0,6 % en mars, comme en février. Bien malin qui pourra dire dans quelle direction tournera la girouette des investisseurs dans les prochains jours.