Adieu dromadaires, gitanes et casques ailés… A partir du 1er janvier 2017, seuls les paquets de cigarettes « neutres » pourront être vendus dans les bureaux de tabac en France. Les textes détaillant le calendrier de mise en place de l’une des mesures phares de la loi santé votée en décembre 2015 sont parus au Journal officiel, mardi 22 mars.

Ainsi, les logos, couleurs et codes typographiques qui permettaient de distinguer les Marlboro, Lucky Strike, Camel et autres Gauloises devront avoir disparu des emballages des paquets de cigarettes ou de tabac à rouler. Les avertissements sanitaires (textes et photos) représenteront 65 % de la surface de l’emballage, contre 30 % à 40 % aujourd’hui. Seul le nom de la marque continuera d’apparaître en petits caractères.

78 000 morts en France chaque année

« Le processus est lancé, il n’y aura pas de retour en arrière possible », assure au Monde la ministre de la santé, Marisol Touraine. Alors que les textes européens prévoient la possibilité d’une période de transition d’un an, la ministre a fait le choix d’un calendrier de mise en place plus resserré. A partir du 20 mai, les industriels ne devront plus produire que des paquets neutres, et à partir du 20 novembre, ils ne devront plus livrer que ce type de paquet aux débitants de tabac. Ces derniers disposeront encore de quelques semaines pour écouler leurs derniers paquets dans un emballage « non neutre ».

La France – où 78 000 personnes meurent chaque année à cause du tabac – sera le deuxième pays au monde à mettre en place un tel dispositif, déjà adopté par l’Australie depuis décembre 2012. Couplée à de fortes hausses de prix, cette politique a conduit là-bas à une diminution du taux de tabagisme chez les plus jeunes, a révélé une étude parue en janvier. La Grande-Bretagne et l’Irlande s’apprêtent à emboîter le pas.

« Il ne faut pas réduire la stratégie antitabac du gouvernement au paquet neutre, c’est un élément d’accélération d’une stratégie d’ensemble », précise Mme Touraine, qui dit vouloir jouer aussi bien sur l’aide au sevrage que sur la hausse des prix. Le paquet neutre, rappelle-t-elle, est d’abord une mesure en direction des jeunes. C’est pour eux un « répulsif » car ils le jugent « laid, fade, terne, peu attirant, inintéressant et ennuyeux », relevait la chercheuse en marketing social à l’Ecole des hautes études en santé publique, Karine Gallopel-Morvan, dans une tribune parue dans Le Monde en mars 2015. Selon elle, plus de soixante études publiées dans des revues scientifiques ont montré que « le paquet neutre influence les comportements et les perceptions des fumeurs ».

« Erreur historique »

Chez les buralistes français, qui se sont fortement mobilisés ces derniers mois pour empêcher l’adoption de cette mesure, on dénonce une « erreur historique » et une « mesure de politique de santé spectacle ». « Les consommateurs qui voudront retrouver leurs marques auront un argument supplémentaire pour acheter du tabac à l’étranger ou à la sauvette », fait valoir Pascal Montredon, le président de la confédération des buralistes. Selon lui, un paquet de cigarettes sur quatre serait déjà vendu hors du circuit des buralistes, que ce soit sur Internet, dans la rue ou à l’étranger.

Des arguments qui ont fait mouche auprès d’un grand nombre d’élus ces derniers mois. Le 16 septembre, seuls 16 sénateurs ont défendu le paquet neutre, une écrasante majorité transpartisane de 228 élus s’y opposant, prônant pour la plupart une simple application de la directive européenne sur le tabac, moins contraignante. Deux mois plus tard, le 25 novembre, c’est avec seulement 2 voix de majorité que les députés ont adopté cet article de la loi santé.

En faisant valoir en janvier que ce paquet générique ne représentait « aucune atteinte manifestement disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre », le Conseil constitutionnel a sécurisé le dispositif, menacé de recours par plusieurs industriels du tabac. Pour les associations de lutte contre le tabac, la prochaine étape doit désormais être une forte hausse du prix du paquet de cigarettes, afin d’atteindre rapidement le seuil symbolique des 10 euros. Une augmentation « significative » à laquelle Mme Touraine s’est récemment dite prête tout en ajoutant que « ce n’est pas à l’horizon de ce quinquennat que le paquet de cigarettes sera à 10 euros ».