Il y a des sujets sensibles, voire hautement inflammables : celui des quotas radiophoniques et de l’obligation de la diversité musicale, qui oppose de manière récurrente, artistes, ayants droit musicaux et responsables de maisons de disques d’un côté, aux dirigeants de radios libres de l’autre, en est un. Mercredi 20 avril, sous l’égide du cabinet de la ministre de la culture, Audrey Azoulay, une réunion de crise rassemblant toutes les composantes du collectif Tous pour la musique (TPLM) doit se tenir, au ministère, rue de Valois. Le lendemain, les responsables de radios (Fun, NRJ, Nova…) seront reçus au même endroit.

L’objet du litige est le vote à l’Assemblée nationale d’un amendement, accepté par le gouvernement, qui autorise une modulation des quotas de chansons francophones pour les radios qui s’engageraient en matière de diversité musicale, que ce soit en nombre de titres, d’artistes ou de producteurs de phonogrammes. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), auquel serait adjoint un observatoire de la musique, serait le garant du nouveau dispositif. Cet amendement a été adopté le 22 mars dans le cadre du projet de loi sur la liberté de création, l’architecture et le patrimoine et doit faire l’objet d’une nouvelle discussion, le 23 mai, au Sénat.

« Une piste intéressante »

Pour la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) comme pour le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), cette modulation porte en germe une baisse des quotas de chansons françaises qui pourrait aller jusqu’à 25 %. Ce serait un recul majeur par rapport à la législation en vigueur qui remonte à l’époque (1993-1995) où Jacques Toubon était ministre de la culture.

Mais pour les labels de musique rassemblés au sein de l’Union des producteurs français indépendants (UPFI), la modulation des quotas contient toutefois « une piste intéressante », en introduisant un critère qui impose une meilleure diversité des producteurs phonographiques.

« Si le maintien des quotas est indispensable à la création francophone, le soutien aux productions locales s’exprimant dans une autre langue que le Français conforterait les artistes et les auteurs concernés », poursuivent les producteurs indépendants en plaidant la cause des Français qui chantent en Anglais, de la World Music et de la musique techno.

Le gouvernement souhaite de son côté sortir de l’hypocrisie actuelle où les radios musicales ne respectent pas l’esprit des quotas francophones, puisque pour s’en acquitter, elles passent les sempiternels mêmes titres en boucle. Au cabinet de Mme Azoulay, on assure justement vouloir « renforcer le régime de quotas francophones en les rendant effectifs et contrôlés » et on affirme que l’objectif recherché est bien d’« assurer plus de diversité dans les titres diffusés ».

Jeu de dupes ?

Est-ce un jeu de dupes ? « Tout le monde salue le souhait de la ministre d’améliorer la diversité des diffusions en radio. Mais les créateurs et les éditeurs ne comprennent pas qu’au pays de l’exception culturelle, cette possible amélioration se fasse au détriment de l’ambition pour la chanson francophone », résume Bruno Lion, éditeur indépendant, gérant de Peermusic mais aussi ancien du cabinet de Jack Lang à la culture, qui s’était mobilisé pour défendre la production française.

Au sein de la filière musicale qui s’est vu retirer le projet de Centre national de la musique (CNM), en début du quinquennat, le débat s’est singulièrement tendu. Au printemps de Bourges, plusieurs artistes ont exprimé leur inquiétude à la ministre de la culture. Mercredi 20 avril et jeudi 21, le ministère va devoir trouver un compromis entre producteurs, majors, auteurs et radios.