A l’approche du championnat d’Europe UEFA de football 2016 qui doit se dérouler du 10 juin au 10 juillet en France, les relations entre les villes hôtes de l’événement et les plates-formes de location entre particuliers se tendent. Pas question pour les dix villes hôtes – Bordeaux, Saint-Denis, Paris, Lens, Lille, Saint-Etienne, Lyon, Toulouse, Marseille et Nice – de renoncer aux retombées financières de ces hébergements, dont les demandes se multiplient ces dernières semaines.

Alain Juppé, maire de Bordeaux et représentant des villes hôtes, a pris la tête de la fronde et a reçu l’appui de Matignon pour imposer à dix sites de locations, Airbnb et Abritel en tête, le paiement de la taxe de séjour légalement due par les touristes mais jamais collectée. A Bordeaux, quelque dix mille annonces de location sur ces sites ont été répertoriées, représentant un « enjeu financier » estimé à « 150 000 à 200 000 euros », explique l’un des collaborateurs du maire dans Les Echos.

Alain Juppé a envoyé un courrier à Airbnb et Abritel pour les menacer de recours juridiques. Les deux sites ont répondu que de nombreux contrats de location avaient d’ores et déjà été signés, sans possibilité de révision. « Les élus ont du coup l’intention d’obtenir les informations sur les transactions pour récupérer eux-mêmes la taxe », écrivent Les Echos.

  • Une taxe qui varie selon les communes

Le montant de la taxe varie de 0,20 centime d’euros par personne et par nuitée à 4 euros. Le département peut, de son côté, instituer une taxe additionnelle de 10 %. Le prix total dépend de la catégorie du logement dans lequel le particulier réside (palace, 4 étoiles, 3 étoiles, meublés touristiques non classés…) et des arbitrages de la commune.

Reversée aux collectivités locales et aux offices du tourisme, cette taxe finance une partie du développement touristique dans les villes. Mise en place par le conseil municipal de la commune ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), la taxe de séjour a été réformée par la loi de finances pour 2015. Les plates-formes type Airbnb ont dès lors la possibilité de collecter directement la taxe de séjour pour la reverser aux communes et aux EPCI.

Un décret d’application n°2015-970 du 31 juillet 2015 a fixé les règles, prévoyant que la Direction générale des finances publiques (DGFiP) devait mettre en ligne le 31 décembre 2015 un fichier contenant toutes les informations reçues des communes et EPCI (dates de début et de fin de la période de perception de la taxe de séjour, tarifs par catégorie d’hébergement, etc.). Seule la parution de ce fichier peut permettre à Airbnb d’organiser la collecte de la taxe, rappelait fin mars le site Taxe de séjour, la plate-forme de réservation arguant qu’il est impossible jusqu’à présent d’appliquer la mesure à cause de la multitude des taux fixés par les municipalités.

Fin mars, le fichier n’était toujours pas publié. La DGFiP avait finalement décidé d’en décaler la parution d’un an, au 31 décembre 2016, afin de rendre la collecte possible dans tout le pays en 2017. Mais les communes n’auraient pu faire collecter la taxe de séjour par Airbnb pendant l’Euro 2016. C’est pourquoi l’Association des maires de France (AMF) a demandé à la DGFiP qu’une « solution transitoire » soit trouvée, qui a accepté qu’un fichier provisoire soit publié début mai – fichier qui permettra à Airbnb de procéder à la collecte dès cet été.

  • A Paris, la taxe est déjà perçue par Airbnb

En moins de trois ans, la capitale est devenue la première ville Airbnb dans le monde, devant New York ou Los Angeles, les berceaux du site américain. En 2015, 50 000 logements sont proposés par le site à Paris (150 000 au total en France), contre 4 000 en 2012. Une véritable explosion de l’offre quand on sait que la capitale ne propose que 80 000 chambres d’hôtels.

Depuis octobre 2015, la plate-forme de locations entre particuliers collecte auprès des touristes qui louent un hébergement parisien sur son site la taxe de séjour. Quatre millions six cent mille euros en 2015 ont été reversés par Airbnb à la mairie de Paris qui escompte percevoir en 2016 quelque 90 millions d’euros au titre de la taxe de séjour fixée à 83 centimes d’euros.

L’entreprise de San Francisco était particulièrement mal vue à Paris pour la concurrence jugée déloyale qu’elle imposait aux hôtels. En février 2015, le site avait fait part de sa volonté d’être dans une logique de coopération avec les autorités de la capitale, et de participer lui-même à la collecte de cette taxe. « Nous sommes fiers de lancer ce processus fiscal simple et efficace dans notre première destination mondiale, et de permettre ainsi à Paris de mieux percevoir cette importante source de revenus de la part de nos voyageurs, expliquait Nicolas Ferrary, directeur France d’Airbnb, au moment de l’accord entre le site et la ville. En travaillant étroitement avec le gouvernement pour simplifier le paiement de la taxe de séjour pour nos hôtes, nous contribuons à un cadre moderne et juste pour le tourisme en France. »

La maire de Paris, Anne Hidalgo, a demandé le 21 avril aux sénateurs, qui vont examiner la semaine prochaine le projet de loi République numérique, de « généraliser la perception de la taxe de séjour pour toutes les plates-formes de location en ligne ».

  • Les hôteliers contre un partenariat entre l’UEFA et Abritel pendant l’Euro 2016

Les maires sont d’autant plus mobilisés que les hôteliers continuent de brandir cette situation comme une concurrence déloyale et menacent dans plusieurs villes de ne pas payer la taxe durant l’Euro 2016. Les hôteliers lillois ont ainsi décidé de boycotter le versement de la taxe de séjour pendant toute la durée de l’Euro de football, a annoncé, mercredi 27 avril, Emmanuel Thebaux, président du club hôtelier Lille Métropole, sur France Bleu Nord.

« L’UEFA a passé un partenariat avec le site Abritel pour loger les professionnels pendant l’Euro mais ces logeurs ne versent pas cette fameuse taxe de séjour. C’est une concurrence déloyale alors nous ne la verserons pas pendant toute la durée de la compétition », a expliqué Emmanuel Thebaux. « Il n’est pas normal que l’économie collaborative ne participe pas à ce développement de l’économie touristique alors qu’ils prétendent en faire partie », a poursuivi le président du club hôtelier, qui a concédé : « Nous allons verser les taxes de séjours sur un compte du trésor public et en fonction de l’évolution de la situation nous finirons peut-être par la verser. »

A quelques semaines du début de l’Euro 2016, les hôteliers de la principale organisation patronale du secteur, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), et du Groupement national des chaînes hôtelières (GNC) contestent le partenariat entre l’UEFA et Abritel. La taxe de séjour pour la catégorie « meublés touristiques non classés » s’élève à 0,83 euro par personne et par nuit. Selon les deux organisations, « 95 % de la taxe de séjour est actuellement collectée par l’hôtellerie, qui n’héberge que 50 % des touristes. Les 5 % restant sont collectés par d’autres types d’hébergement », dénoncent-elles.

Selon une source du secteur, « les réservations d’hôtels pour l’Euro en France sont encore un peu molles à ce jour » mais « il faut s’attendre à voir une accélération sur la dernière minute, au moment où l’on connaîtra les affiches (après le premier tour) », a-t-elle assuré. Selon l’UFC-Que choisir, les hôtels affichent des tarifs en hausse de 45 % en moyenne pour une chambre double pour le début du tournoi mais selon cette même source, « les hébergements alternatifs type Airbnb enregistrent un pic ».

Contacté par l’AFP, le site de location d’appartements Airbnb a indiqué le 13 avril avoir « regardé le nombre de voyageurs qui ont réservé pour la période de l’Euro dans les villes hôtes, comparé aux voyageurs qui avaient déjà réservé pour les mêmes villes et la même période au même moment l’an passé ». Selon Airbnb, « en moyenne sur l’ensemble de ces villes, il y a trois fois et demi plus de voyageurs qui ont réservé pour la même période, et certaines villes comme Marseille et Lyon se distinguent particulièrement avec respectivement seize fois plus et quinze fois plus ».

Selon une étude commandée par l’UEFA, 2,5 millions de spectateurs sont attendus lors de l’Euro 2016 et de 7 à 8 millions de supporters au total.