Série sur Canal+ à la demande

American Crime Season 2 Extended Promo (HD)
Durée : 01:01

Avec cette série de haut vol, John Ridley a brossé l’un des plus stupéfiants tableaux de l’Amérique d’aujourd’hui.

En deux saisons d’« American Crime », le scénariste, romancier et réalisateur John Ridley est parvenu à donner au genre de la série télévisée l’une de ses plus admirables réussites. Brassant de manière frontale, mais profonde et subtile, les thématiques raciales, sociales, sexuelles, mêlant en un récit polyphonique touffu, mais toujours lisible, la vie plus ou moins cabossée d’enfants et de leurs parents, Ridley donne de la société nord-américaine contemporaine une image dévastée et empreinte de noirceur.

Trevor Jackson incarne Kevin LaCroix (à gauche) et Timothy Hutton (Russ Skokie, à droite) dans un épisode de la deuxième saison d'« American Crime ». | Ryan Green / ABC/Disney

L’enquête sur l’assassinat de leur fils, dont réchappe son épouse (saison 1), inflige aux parents de dérangeantes vérités ; le viol présumé d’un ado par l’un de ses camarades de basket-ball (saison 2), dans le cadre d’un lycée huppé fréquenté par des Noirs et des Blancs issus de familles plus ou moins fortunées, révèle un palimpseste de non-dits et de doubles vies qui bouleversent, jusqu’au crime, la vie des protagonistes.

Un tempo souvent juste

Comme « American Horror Story », « American Crime » se fonde sur une « troupe » de quelques acteurs dans des rôles extrêmement différents au cours des deux saisons : ceux qui ne connaîtraient Felicity Huffman qu’en Lynette Scavo des « Desperate Housewives » découvriront ici une actrice hors normes. On reste ébahi par la prestation de Caitlin Gerard en junkie (saison 1), par les incarnations type Jekyll et Hyde de Richard Cabral et Elvis Nolasco (saisons 1 et 2), et par le jeu, stupéfiant de finesse naturelle, du jeune Connor Jessup (l’adolescent humilié de la saison 2).

Le tempo d’« American Crime » est souvent juste, et la structure narrative en dix épisodes de quelque quarante minutes idéale (d’ailleurs, les onze de la saison 1 en comptent un de trop, l’issue aussi glaçante qu’inattendue met un peu trop de temps à se faire connaître) : elle permet aux ramifications du récit de se développer, sans pour autant, comme dans ces séries aux saisons multipliées pour cause de succès, se noyer dans le délayage.

Séquences oniriques « pointillistes »

John Ridley joue aussi beaucoup avec la perception temporelle du téléspectateur, en superposant différents instants d’une même scène. Ce principe menace de confiner au « tic » de réalisation, quand, par exemple, on entend la sonnerie d’appel d’un portable alors qu’un personnage compose encore le numéro et que, la conversation étant engagée au téléphone afin de convenir d’un rendez-vous, l’on voit les deux correspondants déjà face à face. Mais d’autres moments témoignent d’une vraie liberté de réalisation : séquences oniriques « pointillistes » de la saison 1 ou cette longue (4’30) scène chorégraphique de la saison 2, filmée dans le silence.

Les comédiens Trevor Jackson, Regina King et Timothy Hutton (de gauche à droite) dans un épisode de la deuxième saison d'« American Crime ». | Ryan Green / ABC/Disney

La musique de Mark Isham – entre Philip Glass et Henryk Gorecki – est d’une discrétion et d’une finesse qui participent à la beauté, jamais esthétisante pour autant, d’« American Crime ».

La chaîne ABC en avait commandé une deuxième saison, alors que les chiffres d’audience avaient baissé de moitié à la mi-temps de la première. Restée à un niveau bas mais stable, « American Crime » est en attente d’une décision d’ABC pour une troisième. Elle ne pourra la prendre qu’au nom d’une, hélas !, bien improbable exception culturelle.

American Crime Trailer
Durée : 03:28

« American Crime », de John Ridley. Avec Felicity Huffman, Lili Taylor, Caitlin Gerard, Timothy Hutton, Connor Jessup, Richard Cabral, Elvis Nolasco (EU, 11 et 10 x 40 min.). Saison 1, disponible sur iTunes (19,99 euros la saison ou 2,99 euros l’épisode).

Une des affiches d'« American Crime ».