Les études de médecine, y compris la première année commune aux études de santé (Paces) n’en finissent plus d’être remises en cause. Après les doyens des facultés de médecine, c’est au tour de l’ordre des médecins d’appeler à réformer ce cursus, qui attire un grand nombre de bacheliers chaque année.

Moins révolutionnaires que celles des doyens, les propositions de l’ordre, issues d’une grande consultation de ses membres et rassemblées dans un Livre blanc publié mardi 26 janvier, ont aussi plus de chances d’inspirer le gouvernement. Celui-ci pourrait reprendre à son compte certaines idées, lors de la grande conférence de santé prévue en février.

De la Paces à l’installation des jeunes médecins, le point sur les principales préconisations, et ce qu’en pense le vice-président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf, membre de la Fédération des associations générales étudiantes), Maxime Rifad.

1. Régionaliser le numerus clausus

L’ordre des médecins juge « inefficace » le numerus clausus, par lequel le gouvernement fixe le nombre d’étudiants de Paces admis en deuxième année, à la fois parce qu’il répond mal aux besoins sur le terrain et qu’il est contourné, notamment via le désormais classique détour par la Roumanie (les universités de Cluj-Napoca, Iasi ou Timisoara accueillent plus d’un millier d’étudiants français). Résultat : « 25 % des médecins inscrits à l’ordre entre 2009 et 2014 ne sont pas titulaires du diplôme français » précise Maxime Rifad.

A la différence des doyens, l’ordre ne préconise pas de supprimer le numerus clausus, mais il propose de le régionaliser selon deux critères : les capacités de formation et des besoins en praticiens de chaque territoire. Il s’agit donc d’aller plus loin que la récente annonce du gouvernement d’une augmentation ciblée dans les régions en tension en 2016. Mais pour Maxime Rifad, « la refonte du numerus clausus, souhaitable, doit plutôt dépendre des capacités d’accueil en stage des étudiants, avec un encadrement suffisant. Ce qui impliquerait probablement une baisse du numerus clausus dans certaines régions, qui saturent déjà, et une hausse dans d’autres ».

2. Elargir la Paces, avec un tronc commun et des passerelles

L’ordre souhaite que la formation à un plus grand nombre de métiers de la santé s’effectue au sein de l’université (sages-femmes, kiné, manipulateurs en radiologie), à l’issue d’une Paces élargie. Le contenu des enseignements de cette première année serait revu afin de proposer un « socle commun » aux différentes professions. Les passerelles vers d’autres filières universitaires seraient aussi développées, à la fois en cours d’année et en cas d’échec au concours de fin de Paces.

« Nous y sommes favorables, mais c’est déjà possible dans le cadre de la Paces actuelle. Le problème, c’est que la situation varie beaucoup d’une université à l’autre. Il faudrait que l’ensemble des Paces intègre diverses études de santé et propose des semestres rebond en cas d’échec à l’issue des examens du premier semestre, ainsi que des équivalences en fin de première année si l’on a obtenu la moyenne. »

3. Présélectionner à l’entrée en fac

L’ordre lance prudemment le débat, en appelant à « réfléchir à un système de présélection avant l’année de Paces élargie, dans l’intérêt des étudiants et des universités, afin de limiter les taux d’échec ». S’il est vrai que le taux d’échec est très important (80 %) au concours de fin de Paces, l’Anemf est « opposée à toute forme de sélection en amont », qu’il s’agisse de limiter l’accès à des bacheliers issus de certaines filières ou ayant obtenu une mention, ou de sélectionner sur dossier ou par tirage au sort. « Cela se justifierait d’autant moins de présélectionner que ce ne sont pas forcément les profils attendus qui réussissent en Paces », souligne Maxime Rifad. Pour contrer l’échec, il appelle plutôt à développer les réorientations d’étudiants en cours de cursus ainsi que les passerelles en fin d’année.

4. Réformer les épreuves classantes nationales

Selon l’ordre, les épreuves classantes nationales (ECN), qui ont remplacé le concours de l’internat en fin de sixième année de médecine, devraient être remplacées par des épreuves classantes interrégionales, qui fixeraient les places disponibles dans chaque spécialité en fonction des besoins au niveau local. « Cela rigidifierait les choix de l’étudiant, sans s’assurer qu’ils s’installeront sur place une fois diplômés », critique le vice-président de l’Anemf.

L’association s’oppose par ailleurs à l’idée de l’ordre d’instaurer une note éliminatoire avec possibilité de redoublement. « C’est trop abrupt. On voit bien que l’objectif est de limiter l’arrivée d’étudiants étrangers qui n’ont pas les qualifications requises ou parlent à peine français. Mais pour nous, la solution serait plutôt de rendre obligatoire l’obtention du certificat de compétences cliniques, en France, avant de passer les ECN. »

L’ordre propose aussi de renforcer la professionnalisation des études, notamment par des stages hors de l’hôpital. « C’est bienvenu, mais nous sentons que les étudiants ont surtout besoin de mûrir leur projet professionnel, en pouvant suivre des modules et des stages dans des domaines qui les intéressent vraiment, pas dans ceux les plus cruciaux pour être bien classé à l’issue des ECN. »

Enfin, de nouvelles mesures d’incitation des jeunes médecins à exercer dans les zones en tension sont préconisées. « Cela ressemble au contrat d’engagement de service public existant, qui est assez efficace. Ce qui manque dans le dispositif actuel, et dont les jeunes praticiens sont demandeurs, c’est un accompagnement humain à l’installation. »

Les propositions de l’ordre seront-elles reprises par le gouvernement ? Réponse le 11 février.