Une militaire mexicaine pointe son arme sur la tête d’une jeune femme qui gémit d’angoisse. Une policière asphyxie ensuite la prisonnière avec un sac plastique… Diffusées sur le Web, les images choc de cet interrogatoire ont provoqué une vague d’indignation au Mexique qui a contraint le ministre de la défense, Salvador Cienfuegos, à s’excuser, samedi 16 avril, pour cet acte de torture. Un mea-culpa historique pour l’armée engagée dans une lutte controversée contre les cartels de la drogue.

« Je présente de profondes excuses à toute la société pour cet événement inadmissible », a déclaré le général Cienfuegos devant 30 000 soldats réunis dans une base militaire à Mexico. Identifiée la veille par la presse, la victime est Elvira Santibañez, 22 ans, emprisonnée pour port illégal d’arme à feu. La vidéo de quatre minutes a été filmée juste après son arrestation, le 4 février 2015, à Ajuchitlan del Progreso dans l’Etat de Guerrero (sud-ouest), zone stratégique de la culture et du trafic de pavot et de marijuana.

Une « pratique généralisée »

Les plaintes pour torture sont passées de 1 163 à 2 403 entre 2013 et 2014, selon Amnesty International

Le général Cienfuegos a reconnu avoir eu connaissance, en décembre 2015, de cette exaction réalisée par deux femmes militaires et une policière. Depuis, ces dernières ont toutes été arrêtées. Les deux soldates sont sous le coup d’une condamnation par des tribunaux militaires et civils. Samedi, M. Cienfuegos a invité ses troupes à dénoncer ces crimes qui « affectent de manière importante l’image » de l’armée. Une petite révolution pour l’institution, longtemps accusée de couvrir les exactions de ses soldats. Ces dernières décollent depuis que, fin 2006, l’ancien président Felipe Calderon (2006-2012) a déployé 50 000 militaires sur le territoire pour combattre le trafic de drogue. Les plaintes pour torture sont passées de 1 163 à 2 403 entre 2013 et 2014, selon Amnesty International (AI). Juan Mendez, rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, avait dénoncé, en décembre 2014, une « pratique généralisée » au sein des forces de l’ordre.

M. Cienfuegos a néanmoins précisé que la torture d’Elvira Santibañez restait un « cas isolé ». Sa remarque a provoqué un tollé : « Si les excuses [de l’armée] représentent une avancée, il s’agit juste d’une stratégie pour limiter les dégâts », a déploré Perseo Quiroz, directeur d’AI au Mexique. Dans son éditorial de dimanche, le quotidien El Universal invite les « autres autorités » à suivre l’exemple du ministre de la défense, rappelant qu’une policière est impliquée dans l’affaire. Message reçu par Roberto Campa, secrétaire d’Etat chargé des droits de l’homme, qui a annoncé pour lundi 18 avril, le mea-culpa de la police fédérale, restée jusqu’à présent plus discrète que la grande muette.