La cour d’appel mauritanienne a confirmé jeudi 21 avril la condamnation à mort de Mohamed Cheikh Ould Mkheitir pour mécréance. Pour rappel, la justice avait conclu à la peine capitale d’abord pour apostasie et blasphème à la suite d’un article posté par le blogueur dénonçant la situation sociale dans le pays, notamment celle de la caste des forgerons. L’affaire est dorénavant renvoyée devant la Cour suprême qui va confirmer la peine ou au contraire, je l’espère, élargir le détenu.

En Mauritanie, écrire un billet de blog peut donc conduire un jeune à la mort. Le pays en est encore à un niveau aussi sinistre.

En Mauritanie, écrire un billet de blog peut donc conduire un jeune à la mort. Le pays en est encore à un niveau aussi sinistre. J’ai lu les deux billets incriminés et ne trouve rien qui puisse justifier la simple inquiétude voire la prononciation de la sentence suprême pour l’auteur. Les textes de Mohamed Mkheitir dénoncent le fléau rétrograde des castes qui existent dans nos pays et dont il faut s’extirper car il n’est ni juste ni en phase avec une modernité à laquelle nous devons enfin nous reconnaître. Que le jeune auteur essaye de justifier sa dénonciation à travers un prisme religieux est un angle de lecture comme un autre. Mais l’Etat mauritanien a fait preuve d’une réaction aussi disproportionnée que ridicule face à un jeune homme sans défense.

Racisme d’Etat

Les manifestations d’approbation et les effusions de joie ayant accompagné la sentence de la justice ne justifient aucunement qu’une vie soit arrachée pour satisfaire la « commande » publique. Aucune liesse populaire ne justifie pour un Etat de tuer. Si l’inquisition est pratiquée, elle rappellera tristement les heures les plus sombres de l’histoire de ce pays et sera aussi clairement vécue comme une faillite de la politique et une manifestation de la barbarie la plus arriérée. Il faudra continuer à toujours avoir peur pour les intellectuels, militants politiques, universitaires qui vivent dans le pays et refusent de se soumettre au diktat du pouvoir.

Le général Abdel Aziz ne fait pas de la modernisation sociale et sociétale une priorité. Au contraire, il entretient les vieux démons de ce pays où règne un racisme d’Etat.

Néanmoins, au-delà de la question du blasphème que Mohamed Mkheitir d’ailleurs récuse clairement malgré les appels à sa mort lancés par des dignitaires religieux du pays et par une large frange de l’opinion publique, cette affaire illustre un mal plus grand de la Mauritanie. Le pays, en effet, cristallise de nombreux problèmes politiques et sociaux et tarde à poser les jalons d’un Etat moderne dans lequel la compétition électorale irréprochable, l’équité et l’égalité entre les citoyens et la liberté d’expression sont une réalité.

Arrivé à la suite d’un coup d’Etat, en 2008, contre le président élu démocratiquement Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, le général Mohamed Ould Abdel Aziz ne fait pas de la modernisation sociale et sociétale une priorité. Au contraire, il entretient les vieux démons de ce pays où règne un racisme d’Etat contre une partie de la population et une pratique de l’esclavage au mépris de tout respect de la dignité humaine. Faut-il toujours rappeler que le militant anti-esclavage Biram Dah Abeid demeure en prison malgré tous les appels au sein de la communauté internationale à sa libération.

Misère sociale

Dans l’affaire du jeune Mkheitir, la justice mauritanienne n’est que la caisse de résonance du pouvoir autoritaire du général Mohamed Ould Abdel Aziz. Elle montre une nouvelle fois un pays englué dans de vieux anachronismes au mépris des véritables attentes de sa jeunesse précaire et happé dans un cycle infini de misère sociale.

Cette condamnation à mort pour délit d’opinion est un acharnement sur un jeune innocent, mais nullement un signe de courage politique ou d’expression d’une quelconque valeur morale. La décision des autorités de Nouakchott illustre le désespoir d’un régime qui ne peut offrir à sa jeunesse un espoir d’une vie meilleure. Donc elle veut la faire taire de façon lâche.

Or, dans ce pays pauvre, terre d’incubation de plusieurs actions du djihadisme dans le Sahel, les vrais combats sont ailleurs, mais pas, pour le gouvernement, dans l’expression d’un autoritarisme qui menace la vie d’un gamin.

Hamidou Anne est membre du cercle de réflexion L’Afrique des idées.