Selon la légende, Prince aurait entreposé des centaines voire des milliers de morceaux inédits. | MIKE BLAKE/REUTERS

Cela semble être le destin de chaque musicien légendaire. Après sa mort, les maisons de disque, ou les ayant-droit, sortent des albums posthumes, bricolés à partir de démos et de morceaux jamais diffusés, de remixs, ou tout simplement des albums qui étaient en préparation mais que l’artiste n’a pas eu le temps de finir, ou gardait en réserves.

Le célèbre chanteur et guitariste Prince, bien que méticuleux dans la gestion de ses droits, pourrait connaître le même sort. L’artiste prolifique est connu pour avoir écrit et enregistré de très nombreux morceaux jamais publiés, et ce malgré la trentaine d’albums à son actif.

Comme le racontait la BBC en 2015, la légende veut que le musicien possède des archives (« Vault ») dans son studio d’enregistrement dans le Minnesota, où il entreposerait des centaines voire des milliers de morceaux originaux.

Jeudi 21 avril au soir, après l’annonce de la mort de Prince, le journaliste musical Philippe Manœuvre a affirmé sur Europe 1 qu’il existait près de 500 morceaux inédits du musicien.

Que voulait-il faire de tous ces morceaux ? « Peut-être attend-il le bon moment ? », se demandait un ancien membre de son groupe il y a un an.

La BBC rapporte qu’au début des années 1990, Prince avait affirmé à son manager de l’époque qu’il comptait « tout brûler » un jour. Ce qu’il adviendra de sa production musicale cachée doit être « son propre choix », racontait un ancien bassiste. Mais la position de l’artiste sur l’avenir de ce trésor n’a jamais été claire.

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Respect de l’artiste

A la mort d’un artiste se pose la question de publier ou non ses ébauches ou ses œuvres cachées. C’est le débat qui avait été posé l’an dernier par le quotidien britannique The Guardian.

Certains musiciens perfectionnistes composent et enregistrent des centaines de morceaux pour ne garder que ceux qu’ils estiment dignes d’être écoutés et gardent un contrôle total de leur œuvre, argumentaient un journaliste musical et un compositeur dans les colonnes du Guardian. « Vous ne pouvez pas applaudir la vision intransigeante d’un artiste pour finalement la diluer après sa mort », expliquait le musicien Dorian Lynskey.

De son vivant, Jeff Buckley, par exemple, s’était battu contre la Columbia pour ne pas intégrer le morceau Forget Her à son album mythique, Grace. Pourtant, après sa mort, le single fut finalement intégré aux rééditions de l’album. Une affaire que le site de fans de Jeff Buckley nomme le Grace Scandal, accusant les maisons de disque d’avoir trahi la volonté artistique du musicien.

Jeff Buckley - Forget Her
Durée : 04:40

Après la mort à 27 ans d’Amy Winehouse, le PDG d’Universal Music UK a affirmé en 2015 auprès de Billboard avoir détruit les démos de la chanteuse afin de s’assurer qu’elles ne pourraient pas être exploitées et déformées.

« Je pense qu’il est faux d’estimer que parce qu’un artiste meurt il ne laisse rien de valeur derrière lui », déclarait dans le Guardian le journaliste musical Peter Robinson. Pour ce dernier, si un artiste décède en laissant derrière lui les fondations suffisamment avancées d’un album, ce serait un gâchis de ne pas le finir.

From a Basement on the Hill a ainsi été très bien reçu par la critique, pourtant l’album d’Elliott Smith est resté inachevé en raison de la mort de l’artiste. Il a fallu le travail du producteur de ses premières œuvres pour achever l’album sorti en octobre 2004.

Des chefs-d’œuvre posthumes

Pour Dorian Lynskey, il faut faire la différence entre achever un travail déjà bien avancé et fouiller dans les démos éparpillées d’un artiste pour bricoler tant bien que mal un album. Achevé avant sa mort, mais publié deux semaines après, l’album Life After Death du rappeur américain The Notorious B.I.G. est devenu une œuvre essentielle reconnue par tous les critiques.

« L’attrait [pour les fans] est que les morceaux non publiés restent des nouveautés, même s’ils sont vieux, mais le problème c’est que ces morceaux ne sont pas publiés parce qu’ils ne sont pas très bons », analyse dans le Guardian l’historien de la pop Jon Savage.

Pour les ayant droit et les maisons de disque, les albums posthumes sont aussi une mine d’or. Le dernier album de Michel Jackson, Xscape, sorti cinq ans après sa mort, s’est placé en tête des ventes en France au bout d’une semaine de commercialisation.

Le rappeur Tupac Shakur a lui sorti pas moins de cinq albums posthumes, jusqu’en 2006, soit dix ans après sa mort. Le magazine Forbes réalise chaque année le classement des célébrités décédées ayant dégagé le plus de revenus. En 2015, la liste était dominée par Michael Jackson, Elvis Presley et Charles Schulz.