Diezani Alison-Madueke, ex-ministre du pétrole du Nigeria, ici à une réunion de l'OPEP à Vienne en 2014. | Heinz-Peter Bader /Reuters

Le vice-président du Nigeria, Yemi Osinbajo, a accusé, mardi 3 mai, le précédent gouvernement d’avoir détourné 15 milliards de dollars (13 milliards d’euros) de fonds publics à travers des contrats d’armement frauduleux.

La somme, colossale, représente plus de la moitié des réserves en devises étrangères du pays. Elle « s’est évaporée (…) à cause de pratiques frauduleuses et corrompues dans (…) des dépenses consacrées à des équipements de sécurité », a précisé le vice-président dans un communiqué.

Les détournements liés à ces contrats de défense avaient jusque-là été estimés à 5,5 milliards de dollars par l’administration du président Buhari. Ces déclarations interviennent dans un contexte financier très délicat pour le gouvernement, qui a retardé la présentation d’un budget 2016 à 30,6 milliards de dollars alors que les recettes pétrolières du pays se sont effondrées en raison de la chute des prix du baril.

Des jets et des hélicoptères fantômes

De nombreux membres de l’ancienne administration ont déjà été arrêtés et sont dans l’attente d’être jugés, dont Sambo Dasuki, qui occupait le poste stratégique de conseiller à la sécurité nationale de l’ancien président Goodluck Jonathan. M. Dasuki aurait détourné des fonds destinés aux forces armées pour lutter contre le groupe islamiste Boko Haram, et cela afin de financer la campagne présidentielle du Parti démocratique populaire (PDP), la formation de M. Jonathan. Les contrats « fantômes » concernaient notamment quatre jets et douze hélicoptères.

L’ancien chef d’état-major des armées, Alex Badeh, est également poursuivi pour avoir détourné 19,8 millions de dollars destinés à la rémunération de personnels militaires employés à des fins privées. Par ailleurs, un porte-parole de l’agence anti-corruption a annoncé, mardi, à l’AFP qu’une enquête a été ouverte contre l’ex-ministre nigériane du pétrole, Diezani Alison-Madueke. Cette femme de 55 ans est accusée d’avoir versé 115 millions de dollars à des membres de la commission électorale pour influencer le vote de la dernière présidentielle au Nigeria.

Mme Alison-Madueke, dont la presse a pointé les millions dépensés pour ses déplacements en jet privé, a été arrêtée à Londres en octobre 2015 alors qu’elle allait y soigner un cancer du sein, dans le cadre d’une enquête britannique sur des soupçons de corruption et de blanchiment à grande échelle. Elle était chargée du secteur pétrolier lorsque la Compagnie nationale de pétrole nigériane (NNPC) a été accusée en 2014 par le gouverneur de la Banque centrale de l’époque, Sanusi Lamido Sanusi, de ne pas avoir reversé 20 milliards de dollars de revenus pétroliers à la Banque centrale. Cette révélation avait coûté son poste à M. Sanusi, qui est aujourd’hui émir de Kano, la métropole marchande du nord du Nigeria.

L’actuel président Muhammadu Buhari, 73 ans, un ancien dirigeant militaire connu pour sa poigne de fer, a pris ses fonctions en mai 2015. Il a promis de mener une lutte acharnée contre la corruption endémique qui gangrène la première puissance économique d’Afrique, et de retrouver les sommes « astronomiques » dérobées par la classe dirigeante depuis des décennies.