Eperales/Flickr/CCO2.0

Petit patapon, tu ne m’auras pas  ! J’en fais ici le serment ­solennel  : comptines et berceuses ne franchiront pas le seuil de mes lèvres. La souris verte peut remballer sa queue et repartir dans une culotte – mais pas celle de l’enfant à la maison. Dans son imaginaire, pas d’alouettes plumées, de bout du nez cassé, pirouette cacahuète, ni de mesdames aux gentils coquelicots. A tout cet implicite, j’ai préféré les explicit lyrics dès le berceau. J’ai fast-forwardé, selon un anglicisme en vogue à l’ère des cassettes audio. Ce qui donne  : Nirvana au réveil, Michael Jackson au goûter et ­Rihanna en dessert.

Ce n’est pas toujours bien compris en société. « Chantez-lui sa comptine préférée », m’enjoint la pédiatre, seringue en main. Quand j’entonne Hit Me Baby One More Time, je vois bien que c’est moi qu’elle est tentée de vacciner. Elle m’ensevelit sous des monceaux de réprimandes silencieuses. Pauvre bébé, qui ne connaît ni l’apaisement des berceuses ni l’éveil des comptines, condamné à se faire l’ouïe à la soupe FM, plutôt qu’avec Schumann ; tristes parents, qui pensent que le chant prénatal est réservé aux baleines.

J’ai ma conscience pour moi. L’enfant est à l’école de la ­variétoche, et c’est autrement plus instructif que la Mère Michel. Dans ce monde-là, exit les blancs moutons, il pleut des hommes sur la bergère. Pour réveiller Frère Jacques, Metallica fait sonner le glas. Quant au loup, s’il n’est pas dans les bois, il est peut-être bien en train de « zoom zoom zang dans [ta] Benz Benz Benz ».