Des personnes écoutent des propositions de grève générale à M'tsamoudou le 16 avril 2016. | ORNELLA LAMBERTI / AFP

Mardi 19 avril, Mayotte devait s’immobiliser le temps de quelques heures. Nul n’était en mesure, à la veille de cette journée « île morte », d’en évaluer l’ampleur. Plus qu’un mouvement de contestation, de dépit ou de rejet, c’est une mobilisation de solidarité et d’espoir dans l’avenir du département qui devait se manifester à l’occasion de ce mouvement « citoyen ». Car cet appel n’est passé par aucun canal politique, syndical, professionnel ou associatif. Il est né, simplement, à l’initiative de citoyens investis dans le développement de l’archipel, par l’intermédiaire des réseaux sociaux.

L’initiative, cependant, est révélatrice de cet appétit de débat, d’échanges et de recherche de solutions alternatives qui émerge, à Mayotte comme en métropole, pour faire revivre l’espoir. Paradoxalement, cet appel à une journée « île morte » est le reflet d’une société qui se bouge.

Tissu associatif actif

Mayotte vient, une nouvelle fois, de traverser une grave crise, avec la grève générale de ces dernières semaines, émaillées de violences. Cela s’est déjà produit et cela se reproduira. Mais il existe dans ce département de 212 000 habitants, selon le dernier recensement de 2012 - entre 300 000 et 350 000 aujourd’hui, selon les estimations les plus basses - une formidable énergie, une mobilisation citoyenne de tous les instants, pour tenter de « s’en sortir », pour ne pas baisser les bras.

Mayotte, c’est aussi ce tissu associatif extrêmement actif. Nombre de Mahorais, de « mzoungous » (métropolitains) ou de Comoriens issus des îles voisines participent à diverses associations, que ce soit pour l’aide scolaire, l’accompagnement social, les activités périscolaires, l’alphabétisation…

Mayotte hebdo, le principal organe de presse du département, consacrait une de ses récentes éditions, datée du 8 avril, au « réveil citoyen » des Mahorais. « En marge des décideurs institutionnels et politiques classiques, en marge des syndicats et de leurs mouvements sociaux, des citoyens tâchent de faire avancer l’île coûte que coûte, avec une conviction commune : Mayotte mérite mieux que ce qui en est fait, Mayotte aura mieux que ce qu’elle est à l’heure actuelle », écrivait l’hebdomadaire.

Pétitionpour un développement durable

Ce « réveil citoyen », défiant vis-à-vis des élus et des organisations traditionnelles, avait déjà trouvé une forte expression en février, lorsque, en deux semaines à peine, un « collectif des citoyens inquiets de Mayotte » avait réuni 12 642 signatures sur une pétition adressée à François Hollande (soit 10 % de la population adulte du département).

Il s’agissait de partager « cette conviction qu’un développement durable est possible pour notre département, parce que nous ne voulons plus voir la jeunesse mahoraise fuir notre département, parce que nous souhaitons voir nos enfants s’épanouir dans les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ».

Cette pétition était restée lettre morte auprès de la présidence de la République, sinon une réponse standard rédigée par la cheffe du cabinet du chef de l’Etat.

Instaurer un dialogue

Pourtant, lors des événements récents, l’action de ces réseaux associatifs a été déterminante pour apaiser la situation et nouer le dialogue. Que ce soit lors des violences qui, pendant trois jours, ont embrasé certains quartiers du département en marge des barrages syndicaux – des bandes de dizaines de jeunes armés et cagoulés, sillonnant les quartiers de Mamoudzou – ou après le meurtre à l’arme blanche, vendredi soir, d’un père de famille à la sortie du judo où il allait récupérer son fils 13 ans.

Lundi 18 avril, pour la première fois, la préfecture, qui avait réuni en urgence les élus et les services de l’Etat après l’homicide de vendredi soir, avait pris soin de convier aussi un certain nombre de responsables associatifs. Comme si le représentant de l’Etat prenait conscience de l’urgente nécessité d’instaurer un dialogue et de mener une action coordonnée avec l’ensemble des « forces vives » de l’île.