Pascal Houzelot, fondateur de Numéro 23, la "chaîne de la diversité". | AFP PHOTO / MARTIN BUREAU

Pascal Houzelot, actionnaire majoritaire de Numéro 23 (et membre du conseil de surveillance du Monde), contestait la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui lui avait retiré l’autorisation d’émettre de la chaîne : le 30 mars, le Conseil d’Etat lui a donné raison et a jugé que la vente de la « chaîne de la diversité » au groupe NextRadioTV (propriétaire de BFM-TV et RMC) ne constituait pas une fraude à la loi.

Quelle est votre réaction à la décision du Conseil d’Etat ?

Le droit a été dit, enfin. Le Conseil d’Etat a donné raison à Numéro 23 sur tous les points. Nous n’avons pas commis de faute et encore moins de fraude. La chaine a mis en oeuvre les moyens nécessaires pour son développement. Nous avons dépensé depuis le démarrage de la chaine plus de 60 millions d’euros. Le Conseil d’Etat a souligné nos résultats positifs. Et dit que la chaine pouvait être cédée au moment où la demande a été faite au CSA.

Comment voyez-vous l’avenir ?

J’ai pris conscience de l’émotion initiale, parfois sincère et souvent insincère, créée par le projet de cession à NextRadioTV, trois ans après notre démarrage, bien que cette transaction soit légale. Dès décembre dernier, j’ai décidé, sans attendre les éventuelles évolutions législatives, de retirer le projet de vente et donc de rester en contrôle de la chaine.

Mais les faits qui étaient à l’origine de la cession demeurent : la concurrence s’est accrue dans le secteur audiovisuel, avec les acteurs numériques. Il y a des mouvements de concentration. Pour avoir accès a des contenus premium, il faut des partenaires industriels solides. Et nous avons la nécessité de nous rapprocher d’une régie publicitaire dynamique, puisque TF1 publicité a décidé de ne pas renouveler notre contrat a la fin de cette année.

Allez-vous vous allier à un partenaire ?

Nous avons décidé avec leur accord de remplacer l’ensemble des actionnaires minoritaires de la chaine (plusieurs hommes d’affaires, dont Xavier Niel, actionnaire du Monde, ainsi que le groupe russe UTH, ndlr), par un opérateur industriel dynamique sur le marché français : NextRadioTV. Je remercie son fondateur Alain Weill d’avoir accepté une position de minoritaire sans contrôle avec 39 % du capital de Numéro 23.

Pour quelle somme ?

Elle n’a pas à être divulguée car nous ne sommes pas cotés en bourse, toutefois, c’est sur une base inférieure au chiffre cité l’année dernière (90 millions d’euros pour 100 % du capital, soit l’équivalent de 35 millions environ pour 39 % du capital, ndlr)

On pense à un prélude pour une cession ultérieure...

La situation est très claire : NextRadioTV a moins de 40 % du capital. Nous allons déjà apprendre à travailler ensemble et à bénéficier de son expérience. Et l’avenir n’est pas figé : entre 2017 et 2020, il existe dans notre accord une possibilité, mais pas une obligation, que je cède le contrôle à NextRadioTV, ce qui serait soumis à l’agrément du CSA. A l’inverse, il sera également possible que je reprenne cette participation et que je remonte a 100 % du capital.

A quelles conditions ?

Je ne peux répondre aujourd’hui. Tout est ouvert. Cela dépendra du plaisir que l’on a à travailler ensemble, de la situation économique générale du secteur. Et probablement d’autres critères que j’ignore car la vie a plus d’imagination que nous.

Comptez-vous investir pour répondre aux critiques sur le contenu de Numéro 23 ?

Après une année où nous étions totalement bloqués dans l’attente des différentes décisions du CSA, nous allons pouvoir réinvestir. Je tiens à souligner que nous avons d’ailleurs plutôt bien résisté pendant la période très difficile que nous avons traversée. Nos pertes s’amenuisent. Nous allons repartir de l’avant en renforçant notre ligne éditoriale : la mise en avant positive de l’ensemble des diversités et l’ouverture sur le monde.

Je suis fier que nous ayons diffusé récemment de grands films comme « Brokeback Mountain », « le 8e jour » ou « la Cité interdite ». Nous sommes également très heureux de notre émission de débat liberté égalité diversité. qui a déjà traité le handicap, la discrimination à l’emploi ou l’islamophobie après les attentats. Je mentionne aussi mon émission fétiche : « Pitbulls et prisonniers », qui raconte l’histoire d’une femme ayant entrepris seule la construction d’un refuge pour des pitbulls, abandonnés en Floride après avoir été souvent maltraités par des délinquants, et rééduqués avec l’aide de prisonniers en liberté conditionnelle, afin de les faire adopter par des familles.

Vous assumez donc toujours la téléréalité américaine avec une conception très large de la diversité...

Oui, quand elle porte une vision non caricaturale des sujets : ici, des femmes. Notre mission, c’est de montrer des exemples non stigmatisants et positifs.

Suite à la décision du Conseil d’Etat, le CSA réclame davantage de pouvoir...

Au législateur d’en décider, et au régulateur d’en faire un usage approprié. Les juridictions suprêmes existent afin que les intimes convictions de certains n’amènent pas à des décisions injustes et fausses en droit.

Que pensez-vous de l’amendement récent visant à interdire la revente de chaînes avant cinq ans de détention ?

D’abord, comme l’a signalé le Conseil d’Etat, je serais en droit de vendre la chaîne aujourd’hui. Toutefois, comme je l’ai dit en décembre, j’ai décidé de rester en contrôle de ma chaine. Au minimum cinq ans, soit jusqu’en 2017 au moins. Par ailleurs, nous avons toujours respecté la loi.

Avez-vous des regrets ?

Je regrette d’avoir été très injustement traité dans cette affaire pendant un an. Et de ne pas avoir su expliquer l’année dernière que la cession était dans l’ordre des choses économique et vertueuse, par le rapprochement de deux acteurs indépendants.