Si l’Etat était une ménagère, elle serait très inquiète de ses difficultés à boucler ses fins de mois. Emmanuel Macron, lui, a des nerfs d’acier. Interrogé dans Le Journal du dimanche du 24 avril sur la manière dont il compte financer les 6 milliards d’euros destinés à recapitaliser EDF et Areva, le ministre de l’économie semble exclure d’alléger sa participation au capital d’Orange : « Sur Orange, nous avons une préoccupation patrimoniale comme actionnaire et sectorielle comme régulateur pour l’investissement dans les infrastructures télécoms. »

L’opérateur, détenu à hauteur de 23 % par le secteur public, constitue pourtant la principale poire pour la soif dont dispose l’Etat pour financer le rafistolage d’une filière énergétique en capilotade. Et les pouvoirs publics devront bouger au capital d’Orange, ne serait-ce que parce que Bpifrance ne peut plus conserver en l’état toute sa participation de 9,6 % dans l’ex-France Télécom, valorisée 3,8 milliards. Un montant trop lourd par rapport aux règles de division des risques imposées aux banques.

C’est à se demander, d’ailleurs, si M. Macron n’a pas fait exprès de mettre des bâtons dans les roues de Martin Bouygues pour le dégoûter d’apporter sa filiale télécoms à Orange. Si la transaction avait été à son terme, en effet, le groupe Bouygues aurait récupéré 12 % du capital de l’opérateur historique, faisant passer le secteur public juste au-dessus de 20 %.

Autrement dit, cette opération limitait la marge de manœuvre du gouvernement pour s’alléger dans Orange, au risque de laisser le bétonneur y jouer les premiers rôles. Cela pourrait expliquer, dès lors, la demande surréaliste de M. Macron à M. Bouygues, sommé d’abandonner ses droits de vote doubles.

Le trésor de guerre n’est plus disponible

L’Agence des participations de l’Etat (APE) a-t-elle les moyens de renflouer EDF et Areva et de racheter une partie du capital d’Orange à Bpifrance ? Il faut se rendre à l’évidence, la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon ne va pas suffire. En cas de coup dur, l’APE pouvait jusque-là compter sur EDF, dont elle détient 85 %, en cédant quelques pour-cent au fil de l’eau. Ce trésor de guerre n’est plus disponible. Au contraire, le géant énergétique ne versera plus à sa tutelle de dividendes en cash, soit 20 milliards d’euros sur les dix dernières années.

Pour la suite, difficile de croire que le gouvernement osera passer une loi nécessaire pour privatiser le gestionnaire d’aéroports Groupe ADP. Reste bien comme autre poire pour la soif l’équipementier aéronautique Safran, dont les pouvoirs publics, actionnaires à 15,4 %, ne se privent pas de lâcher 3 % par-ci, 2 % par-là.

Du Safran, du Renault si le cours de Bourse remonte, un peu de PSA, mais avec la nécessité de préserver l’équilibre au tour de table avec le chinois Dongfeng, voici donc le cocktail de ventes en bloc que devrait mener tout au long de l’année l’APE. Malgré cela, il sera difficile de maintenir la part publique au capital d’Orange.